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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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avait intégré un collège technique où, en mai 1961, il a décroché un CAP

de dessinateur industriel en chaudronnerie. À la même époque, il a

obtenu le permis de conduire. L’aîné des fils Mesmacque, Jean-Claude,

suit des études de droit à Toulouse.

Dans la matinée du 5 juillet, le vacarme de files de camions ébranlant

le pavillon attire l’attention des Mesmacque. « Ils étaient pleins

d’hommes qui brandissaient des armes et criaient des slogans. Affolée,

ma mère nous a interdit de sortir. Elle craignait des débordements. »

Christian a dix-huit ans. Il ne tient pas compte de ces conseils de

prudence. Il préfère une plage ensoleillée au malaise qui croît parmi les

siens. Dans une estafette Renault, bleue à toit blanc, immatriculée 201

FU 9G, il s’entasse avec ses copains Julien Bagout et André Chiappone,

ainsi que la sœur de Julien Bagout, Jeanne Ricard-Bagout et ses quatre

enfants, Alain, Christiane, Edith et Salvadore. En route pour le bord de

mer. Julien Bagou, à qui appartient le véhicule, s’est assis au volant. « Où

et à quelle heure se sont-ils heurtés à leurs ravisseurs ? »

Toute la soirée, Georgette attend le retour de son fils. « Elle répétait :

“Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ?” Elle pleurait. Je

tentais de la réconforter en lui disant qu’il avait certainement été invité

pour la soirée chez un copain. Je le pensais réellement. J’étais

inconsciente. Trop loin du centre d’Oran, nous ignorions la tragédie qui

s’y était déroulée. Les pillages, les assassinats, les viols, les

enlèvements… Nous n’avions pas entendu les coups de feu, ni les

hurlements. Nous n’avions pas vu les cadavres sur les trottoirs. Les jours

suivants, nous les découvrirons par les journaux. »

Le lendemain, Georgette se précipite au commissariat. Les policiers

l’écoutent distraitement. D’autres démarches s’avèrent aussi

infructueuses. Elle obtient une audience auprès du général Katz, auquel

son inaction pendant les massacres du 5 juillet a valu le surnom de

« boucher d’Oran ». Sèchement, l’officier qui, le 4 août, a été décoré de

la Croix de la valeur militaire, notamment pour « avoir su rétablir et

préserver avec force et dignité l’autorité légale et l’ordre public », lui

aurait asséné : « Vous avez semé le vent, vous récoltez la tempête. »

Le 28 septembre, le consul général de France, Claude Chayet, signe

une attestation certifiant que le père de Christian, Benjamin Mesmacque,

a déclaré sous serment que son fils a disparu.

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