Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
avait intégré un collège technique où, en mai 1961, il a décroché un CAP
de dessinateur industriel en chaudronnerie. À la même époque, il a
obtenu le permis de conduire. L’aîné des fils Mesmacque, Jean-Claude,
suit des études de droit à Toulouse.
Dans la matinée du 5 juillet, le vacarme de files de camions ébranlant
le pavillon attire l’attention des Mesmacque. « Ils étaient pleins
d’hommes qui brandissaient des armes et criaient des slogans. Affolée,
ma mère nous a interdit de sortir. Elle craignait des débordements. »
Christian a dix-huit ans. Il ne tient pas compte de ces conseils de
prudence. Il préfère une plage ensoleillée au malaise qui croît parmi les
siens. Dans une estafette Renault, bleue à toit blanc, immatriculée 201
FU 9G, il s’entasse avec ses copains Julien Bagout et André Chiappone,
ainsi que la sœur de Julien Bagout, Jeanne Ricard-Bagout et ses quatre
enfants, Alain, Christiane, Edith et Salvadore. En route pour le bord de
mer. Julien Bagou, à qui appartient le véhicule, s’est assis au volant. « Où
et à quelle heure se sont-ils heurtés à leurs ravisseurs ? »
Toute la soirée, Georgette attend le retour de son fils. « Elle répétait :
“Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ?” Elle pleurait. Je
tentais de la réconforter en lui disant qu’il avait certainement été invité
pour la soirée chez un copain. Je le pensais réellement. J’étais
inconsciente. Trop loin du centre d’Oran, nous ignorions la tragédie qui
s’y était déroulée. Les pillages, les assassinats, les viols, les
enlèvements… Nous n’avions pas entendu les coups de feu, ni les
hurlements. Nous n’avions pas vu les cadavres sur les trottoirs. Les jours
suivants, nous les découvrirons par les journaux. »
Le lendemain, Georgette se précipite au commissariat. Les policiers
l’écoutent distraitement. D’autres démarches s’avèrent aussi
infructueuses. Elle obtient une audience auprès du général Katz, auquel
son inaction pendant les massacres du 5 juillet a valu le surnom de
« boucher d’Oran ». Sèchement, l’officier qui, le 4 août, a été décoré de
la Croix de la valeur militaire, notamment pour « avoir su rétablir et
préserver avec force et dignité l’autorité légale et l’ordre public », lui
aurait asséné : « Vous avez semé le vent, vous récoltez la tempête. »
Le 28 septembre, le consul général de France, Claude Chayet, signe
une attestation certifiant que le père de Christian, Benjamin Mesmacque,
a déclaré sous serment que son fils a disparu.