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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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meilleure amie qui était en France. Soudain, depuis un camion qui

remontait la rue à toute vitesse, des gendarmes mobiles se sont mis à

mitrailler dans tous les sens. Les parents de ma copine se sont jetés à

terre. Moi, j’ai couru me mettre à l’abri dans une petite rue, tenaillée par

la hantise de ressentir une brûlure dans le dos, une balle qui m’aurait

touchée. Un autre jour, des militaires ont perquisitionné l’appartement de

ma mère, rue Lamartine. Ils ont tout fouillé, les armoires, les commodes,

les placards. Ils ont renversé des meubles, cassé des objets. Des brutes !

Écœurée, ma mère a pris les médailles de mon grand-père dans un tiroir

et les a jetées par la fenêtre en criant : “Il s’est battu contre les

Allemands, a défendu la France. Il a été grièvement blessé. Vous n’avez

pas honte ?” Un tel comportement de la part de soldats français la

révoltait. »

Après-midi du 5 juillet 1962. Marie-Claude s’envole vers la métropole.

Elle a attendu quatre jours et trois nuits, à La Sénia, l’aéroport d’Oran,

qui grouille de familles éperdues. Avant d’obtenir l’autorisation de

monter dans un appareil, elles sont parquées sur le parking et dans le hall,

sans eau, sans nourriture. Chaos de valises et de détresse devant un

avenir incertain. « Mon père m’avait mise à l’abri dans la guérite de la

météo, où il connaissait des gens. Quotidiennement, il venait me faire un

petit coucou, s’assurer que je n’avais besoin de rien. Il m’avait inscrite à

un séjour linguistique en Angleterre. Mais, auparavant, j’avais prévu une

escale à Marseille, où ma mère venait de s’installer. Toutefois, on ne

pouvait pas choisir sa destination. Des employés de l’aéroport nous

distribuaient des numéros et, à l’appel du sien, on embarquait dans le

premier avion qui se présentait. Résultat : je me suis retrouvée dans un

avion d’une compagnie anglaise et j’ai atterri à Lyon, où il m’a fallu

prendre un train pour Marseille. »

Ce 5 juillet 1962, à La Sénia, personne ne se doute des tueries dans les

rues d’Oran. Une vaste « piednoirade », qui, après celle de Sétif et de la

Petite-Kabylie, en mai 1945, et celle du Constantinois, en août 1955,

ensanglante la deuxième ville de l’Algérie. Personne n’imagine que des

corps de « roumis » remplissent par dizaines des charniers au Petit-Lac,

un quartier des faubourgs.

Dans la nuit, à « 2 heures du matin », le « vendredi 6 juillet », le souslieutenant

Guy Doly-Linaudière, du 43 régiment d’infanterie, décrit

e

à

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