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eu envers les pieds-noirs des fautes inadmissibles, des crimes de
guerre envers des civils innocents et dont l’Algérie devra répondre
au même titre que la Turquie envers les Arméniens. »
Durant l’été, Aïn el Arba se vide de sa population européenne.
Militaires et gendarmes français évacuent leurs casernes. Les civils les
suivent. « Les maisons libérées étaient ouvertes à tous vents. N’importe
qui pouvait se les approprier, y prendre ses aises ou se servir, piller,
saccager, arrachant même les interrupteurs. » Passionnément attaché à sa
ferme, Joseph Belda refuse d’abandonner ce qu’il a bâti et qui représente
des décennies d’efforts. La moisson terminée, il s’apprête à entamer les
vendanges. « En août, une dizaine de proches, qui s’étaient réfugiés en
métropole, lui ont écrit, demandant s’ils pouvaient rentrer. Malgré le peu
de confiance que lui inspiraient les troupes de l’ALN arrivées du Maroc,
il leur a répondu que l’heure lui paraissait à la détente. Ils l’ont cru. Ils ne
voulaient pas perdre leurs vendanges. »
13 septembre 1962. En fin d’après-midi, Joseph Belda, après une
journée au milieu de ses vignes, prend la route d’Aïn el Arba dans sa
DS 19 noire, immatriculée 250 EG 9G. « Généralement, il utilisait une
2CV pour aller à la ferme. Mais je l’avais esquintée dans un accident et il
n’y avait plus ni garagiste, ni carrossier pour la réparer. » Contrairement
à son habitude, José n’accompagne pas son père. Il révise la deuxième
partie du baccalauréat, dont les épreuves ont lieu trois jours plus tard à
Oran. « Ma mère nous donnait ce conseil : “Il faut que vous réussissiez
dans les études, car la colonie, c’est trop dur.” Par “colonie”, elle
entendait l’agriculture. Son rêve était que je devienne au moins
instituteur. »
Le soir, Joseph Belda n’est toujours pas chez lui. Parfois, après le
travail, il rend visite à une de ses tantes. « Elle était revenue de métropole
pour les vendanges. » Elle ne l’a pas vu. « Vers 21 heures, nous avons
pensé à un enlèvement. Or nous savions que les ravisseurs relâchaient
rarement leurs victimes. »
Depuis le début de la guerre, un couvre-feu interdit aux habitants
d’Aïn el Arba de sortir la nuit. José doit attendre le lendemain matin pour
amorcer des recherches. Dans un premier temps, des membres de sa
famille l’aident. Devant les risques, ils renoncent vite. Le 16, José est à