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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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eu envers les pieds-noirs des fautes inadmissibles, des crimes de

guerre envers des civils innocents et dont l’Algérie devra répondre

au même titre que la Turquie envers les Arméniens. »

Durant l’été, Aïn el Arba se vide de sa population européenne.

Militaires et gendarmes français évacuent leurs casernes. Les civils les

suivent. « Les maisons libérées étaient ouvertes à tous vents. N’importe

qui pouvait se les approprier, y prendre ses aises ou se servir, piller,

saccager, arrachant même les interrupteurs. » Passionnément attaché à sa

ferme, Joseph Belda refuse d’abandonner ce qu’il a bâti et qui représente

des décennies d’efforts. La moisson terminée, il s’apprête à entamer les

vendanges. « En août, une dizaine de proches, qui s’étaient réfugiés en

métropole, lui ont écrit, demandant s’ils pouvaient rentrer. Malgré le peu

de confiance que lui inspiraient les troupes de l’ALN arrivées du Maroc,

il leur a répondu que l’heure lui paraissait à la détente. Ils l’ont cru. Ils ne

voulaient pas perdre leurs vendanges. »

13 septembre 1962. En fin d’après-midi, Joseph Belda, après une

journée au milieu de ses vignes, prend la route d’Aïn el Arba dans sa

DS 19 noire, immatriculée 250 EG 9G. « Généralement, il utilisait une

2CV pour aller à la ferme. Mais je l’avais esquintée dans un accident et il

n’y avait plus ni garagiste, ni carrossier pour la réparer. » Contrairement

à son habitude, José n’accompagne pas son père. Il révise la deuxième

partie du baccalauréat, dont les épreuves ont lieu trois jours plus tard à

Oran. « Ma mère nous donnait ce conseil : “Il faut que vous réussissiez

dans les études, car la colonie, c’est trop dur.” Par “colonie”, elle

entendait l’agriculture. Son rêve était que je devienne au moins

instituteur. »

Le soir, Joseph Belda n’est toujours pas chez lui. Parfois, après le

travail, il rend visite à une de ses tantes. « Elle était revenue de métropole

pour les vendanges. » Elle ne l’a pas vu. « Vers 21 heures, nous avons

pensé à un enlèvement. Or nous savions que les ravisseurs relâchaient

rarement leurs victimes. »

Depuis le début de la guerre, un couvre-feu interdit aux habitants

d’Aïn el Arba de sortir la nuit. José doit attendre le lendemain matin pour

amorcer des recherches. Dans un premier temps, des membres de sa

famille l’aident. Devant les risques, ils renoncent vite. Le 16, José est à

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