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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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nourriture est très bonne et même meilleure que celle du camp. Je compte

sur la parole du chef et je ne désespère pas d’être prochainement libéré. Je

crois devoir apaiser vos craintes et dans l’espoir de vous revoir bientôt je

vous embrasse bien fort. »

D’autres lettres, que le prisonnier aurait adressées à des camarades,

déblatèrent contre l’inutilité de leurs missions épuisantes et dangereuses,

contre leur caractère odieux, contre la cruelle oppression que subit le

vaillant peuple algérien épris de liberté mais réduit en esclavage par le

méchant colon raciste. Le caporal-chef Paul Bonhomme semble

instrumentalisé au service d’une technique caricaturale de guerre

psychologique appliquée pour briser le moral de ses compagnons

d’armes.

Parallèlement, des rebelles capturés livrent quelques informations. Le

23 septembre, l’un d’eux se montre très bavard : le Français serait aux

mains du commando de la région 2, zone III, wilaya 4. Le mois suivant,

un autre déclare l’avoir récemment croisé dans un campement.

Le 9 novembre, un homme, qui, kidnappé par des fellaghas, se serait

s’évadé du camp où il aurait été retenu une quinzaine de jours, déclare y

avoir rencontré un soldat français, prénommé Paul, fils d’un pied-noir de

l’Oranie. Il reconnaît le fils Bonhomme sur des photos. Pendant le mois

qui a suivi son enlèvement, Paul aurait été maintenu dans un trou étroit

creusé dans le sol. « Interdiction d’en sortir pour ses besoins. Ses

gardiens lui jetaient à manger comme à un chien. Dans un état pitoyable,

au milieu de ses excréments, il était enflé de partout. La faim avait

couvert son corps d’œdèmes. Quand il a pu s’extraire de son trou, il n’a

pas été autorisé à laver son treillis. Attaché, sauf pour manger, il tenait

tête à ses gardiens, attitude qui lui valait des brimades. »

Toutefois, le témoignage d’un fellagha contredit la thèse du prisonnier

au patriotisme intraitable, tandis qu’une enquête de gendarmerie

relèverait sa présence au sein d’une bande de fellaghas. Par ailleurs, deux

documents, saisis fin novembre, une lettre à ses « chers copains » et un

« Appel aux soldats français » les poussant à la désertion, noircissent son

dossier. Le 28 décembre, le général qui commande le corps d’armée

d’Alger ordonne d’arrêter le caporal-chef Paul Bonhomme et de le

traduire devant le Tribunal permanent des forces armées pour « atteinte à

la sûreté extérieure de l’État ».

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