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En 1957, elle admire les légionnaires qui délogent les fellaghas dans
les campagnes et les parachutistes du général Massu qui traquent les
terroristes à Alger. « Oran, pendant ce temps, était calme. Nous ne
subissions pas les attentats comme à Alger, où j’avais des cousins. Ils
nous racontaient ce qu’endurait la population. Les bombes, les
enlèvements, dont ils nous parlaient et qui noircissaient les pages des
journaux, n’appartenaient pas à notre quotidien direct. »
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Toutefois, l’insécurité à environ 400 kilomètres de Santa Cruz ne
tarde pas à entretenir un climat de peur grandissant. Plus les mois
passent, plus semble inappropriée la description qu’en 1884, Guy de
Maupassant consacrait à la cité dans Au soleil, un recueil de voyage :
« Oran est une vraie ville d’Europe, commerçante, plus espagnole que
française, et sans grand intérêt. On rencontre par les rues de belles filles
aux yeux noirs, à la peau d’ivoire, aux dents claires. Quand il fait beau,
on aperçoit, paraît-il, les côtes de l’Espagne, leur patrie. Dès qu’on a mis
le pied sur cette terre africaine, un besoin singulier vous envahit, celui
d’aller plus au sud. »
À partir de 1960, la situation se dégrade à Oran qui, lentement, perd
son apparente quiétude, que l’OAS attribuait à la forte implantation de
ses militants. Le couple Teuma a divorcé. Sa mère ayant emménagé rue
Lamartine, une voie perpendiculaire au boulevard du Front-de-Mer,
Marie-Claude fait souvent le trajet à pied entre le boulevard Froment
Coste, où son père a gardé le logement de fonction, l’hôtel du grand-père,
rue Ampère, et la rue Lamartine. « Mes parents n’étaient pas rassurés par
ces allers-retours. »
Dès la signature des accords d’Évian, le 18 mars 1962, Oran la
radieuse va se mettre à grimacer. Bientôt, les éboueurs ne vont plus
ramasser les poubelles. Exhalant des vagues d’odeurs pestilentielles, les
ordures vont s’amonceler sur les trottoirs encombrés de meubles, de
vaisselle, d’appareils ménagers, de linge, de photos de familles, de cartes
postales, de lettres jaunies et de bibelots, souvenirs d’existences rompues,
abandonnés par les dizaines de milliers de pieds-noirs qu’a chassés le
slogan « la valise ou le cercueil ».
Peu à peu, la violence va s’emparer des quartiers européens. FLN et
autorités françaises s’allient contre l’OAS. Les exactions se multiplient.
« Un jour de mai, je discutais, rue d’Arzew, avec les parents de ma