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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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En 1957, elle admire les légionnaires qui délogent les fellaghas dans

les campagnes et les parachutistes du général Massu qui traquent les

terroristes à Alger. « Oran, pendant ce temps, était calme. Nous ne

subissions pas les attentats comme à Alger, où j’avais des cousins. Ils

nous racontaient ce qu’endurait la population. Les bombes, les

enlèvements, dont ils nous parlaient et qui noircissaient les pages des

journaux, n’appartenaient pas à notre quotidien direct. »

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Toutefois, l’insécurité à environ 400 kilomètres de Santa Cruz ne

tarde pas à entretenir un climat de peur grandissant. Plus les mois

passent, plus semble inappropriée la description qu’en 1884, Guy de

Maupassant consacrait à la cité dans Au soleil, un recueil de voyage :

« Oran est une vraie ville d’Europe, commerçante, plus espagnole que

française, et sans grand intérêt. On rencontre par les rues de belles filles

aux yeux noirs, à la peau d’ivoire, aux dents claires. Quand il fait beau,

on aperçoit, paraît-il, les côtes de l’Espagne, leur patrie. Dès qu’on a mis

le pied sur cette terre africaine, un besoin singulier vous envahit, celui

d’aller plus au sud. »

À partir de 1960, la situation se dégrade à Oran qui, lentement, perd

son apparente quiétude, que l’OAS attribuait à la forte implantation de

ses militants. Le couple Teuma a divorcé. Sa mère ayant emménagé rue

Lamartine, une voie perpendiculaire au boulevard du Front-de-Mer,

Marie-Claude fait souvent le trajet à pied entre le boulevard Froment

Coste, où son père a gardé le logement de fonction, l’hôtel du grand-père,

rue Ampère, et la rue Lamartine. « Mes parents n’étaient pas rassurés par

ces allers-retours. »

Dès la signature des accords d’Évian, le 18 mars 1962, Oran la

radieuse va se mettre à grimacer. Bientôt, les éboueurs ne vont plus

ramasser les poubelles. Exhalant des vagues d’odeurs pestilentielles, les

ordures vont s’amonceler sur les trottoirs encombrés de meubles, de

vaisselle, d’appareils ménagers, de linge, de photos de familles, de cartes

postales, de lettres jaunies et de bibelots, souvenirs d’existences rompues,

abandonnés par les dizaines de milliers de pieds-noirs qu’a chassés le

slogan « la valise ou le cercueil ».

Peu à peu, la violence va s’emparer des quartiers européens. FLN et

autorités françaises s’allient contre l’OAS. Les exactions se multiplient.

« Un jour de mai, je discutais, rue d’Arzew, avec les parents de ma

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