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des amis oranais réfugiés en France « un massacre épouvantable des
Européens » : « Perquisitions avec l’aide des listes que la gendarmerie
mobile a obligatoirement fournies à l’ALN, magasins pillés, femmes
arrêtées et brutalisées, hommes embarqués pour une destination
inconnue. Les gens ont été abattus systématiquement dans la rue. À
l’hôpital militaire Baudens, il y a ce soir une centaine de blessés, ceux
qui ont pu être récupérés, dont un commandant qui a eu les yeux arrachés
au couteau, une cinquantaine d’Européens la gorge ouverte, d’autres la
colonne vertébrale brisée à coups de crosse, des vieillards, les jambes
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brisées par les rafales . »
Prêtre métropolitain, le Père Michel de Laparre de Saint-Sernin est à
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Oran depuis 1961. Il tient le journal de tout ce qui l’entoure . « On a vu
des Mauresques éventrer des femmes dans les magasins, leur arracher les
yeux et leur couper les seins. C’était un beau carnage. Les Arabes
raflaient les hommes par camions entiers “pour contrôle” et consultaient
à chaque nom les listes de l’OAS. Beaucoup d’hommes ont été ainsi
abattus sur place ou fusillés au commissariat central […]. On ne peut
rencontrer personne aujourd’hui sans se replonger dans le deuil, les
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larmes, l’angoisse et l’horreur. On est sidéré d’entendre à la RTF que
tout va bien. On a dû fermer la morgue, tant était insupportable tout ce
qu’on a ramassé sur les trottoirs : mains et bras coupés, foies, etc. […].
On n’y reconnaît les gens qu’aux vêtements, tant ils sont tous défigurés
[…]. À Saint-Eugène, des rues entières continuent à se vider. Malheur
aux retardataires isolés. Aux Mimosas ce matin, une famille de six
enfants, trop longue à se mettre en branle, a été égorgée. »
Tandis que La Sénia, cernée de barbelés, est coupée de l’extérieur,
aucune information ne parvient à Marseille. Omettant leur tragique
importance, les journaux, les radios de métropole se bornent à relater
quelques incidents à Oran, où les liaisons téléphoniques avec l’extérieur
sont interrompues. Rien sur les scènes d’épuration ethnique qui ont
marqué la terrible journée du 5 juillet 1962. « Un étouffoir recouvrait la
ville. Et mon père, ce héros, en cas de grabuge, j’étais persuadée qu’il se
faufilerait entre les balles. »
Sa mère accompagne Marie-Claude à Paris, où elle prend un avion
pour l’Angleterre. C’est dans le collège britannique où elle séjourne que
des élèves oranaises de sa classe, arrivées trois ou quatre jours après elle,