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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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des amis oranais réfugiés en France « un massacre épouvantable des

Européens » : « Perquisitions avec l’aide des listes que la gendarmerie

mobile a obligatoirement fournies à l’ALN, magasins pillés, femmes

arrêtées et brutalisées, hommes embarqués pour une destination

inconnue. Les gens ont été abattus systématiquement dans la rue. À

l’hôpital militaire Baudens, il y a ce soir une centaine de blessés, ceux

qui ont pu être récupérés, dont un commandant qui a eu les yeux arrachés

au couteau, une cinquantaine d’Européens la gorge ouverte, d’autres la

colonne vertébrale brisée à coups de crosse, des vieillards, les jambes

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brisées par les rafales . »

Prêtre métropolitain, le Père Michel de Laparre de Saint-Sernin est à

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Oran depuis 1961. Il tient le journal de tout ce qui l’entoure . « On a vu

des Mauresques éventrer des femmes dans les magasins, leur arracher les

yeux et leur couper les seins. C’était un beau carnage. Les Arabes

raflaient les hommes par camions entiers “pour contrôle” et consultaient

à chaque nom les listes de l’OAS. Beaucoup d’hommes ont été ainsi

abattus sur place ou fusillés au commissariat central […]. On ne peut

rencontrer personne aujourd’hui sans se replonger dans le deuil, les

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larmes, l’angoisse et l’horreur. On est sidéré d’entendre à la RTF que

tout va bien. On a dû fermer la morgue, tant était insupportable tout ce

qu’on a ramassé sur les trottoirs : mains et bras coupés, foies, etc. […].

On n’y reconnaît les gens qu’aux vêtements, tant ils sont tous défigurés

[…]. À Saint-Eugène, des rues entières continuent à se vider. Malheur

aux retardataires isolés. Aux Mimosas ce matin, une famille de six

enfants, trop longue à se mettre en branle, a été égorgée. »

Tandis que La Sénia, cernée de barbelés, est coupée de l’extérieur,

aucune information ne parvient à Marseille. Omettant leur tragique

importance, les journaux, les radios de métropole se bornent à relater

quelques incidents à Oran, où les liaisons téléphoniques avec l’extérieur

sont interrompues. Rien sur les scènes d’épuration ethnique qui ont

marqué la terrible journée du 5 juillet 1962. « Un étouffoir recouvrait la

ville. Et mon père, ce héros, en cas de grabuge, j’étais persuadée qu’il se

faufilerait entre les balles. »

Sa mère accompagne Marie-Claude à Paris, où elle prend un avion

pour l’Angleterre. C’est dans le collège britannique où elle séjourne que

des élèves oranaises de sa classe, arrivées trois ou quatre jours après elle,

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