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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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français. » Bien que fils de pieds-noirs, il était né en Espagne, dans le

e

village d’où venait sa famille. Une coutume : au XIX siècle et au début du

e

XX , afin de maintenir les liens avec le pays des ancêtres, les femmes y

étaient envoyées accoucher de leur premier bébé.

José qualifie son enfance à la ferme d’Oued Sebbah, où son père

produisait du raisin, des olives et des agrumes, de « plus belle période de

[sa] vie ». « Pas d’école. La liberté totale. Je jouais dehors toute la

journée. Comme nous étions les seuls Européens du secteur, je n’avais

pour copains que des petits Arabes, enfants des ouvriers de la ferme ou

du douar voisin où vivaient plusieurs centaines d’habitants. Jusqu’à ce

que j’aille à l’école d’Aïn el Arba. Le nom de ce village signifie “la

quatrième source” en arabe. »

1954. La Toussaint Rouge ne perturbe pas la tranquillité laborieuse

d’Oued Sebbah. José a douze ans. « Dans notre coin reculé, loin de

l’agitation des villes, on se sentait en sécurité. Mon père travaillant dans

les champs, il laissait ma mère seule à la ferme avec ses enfants. Nous

n’envisagions pas que notre monde se désagrégerait. »

Les problèmes commencent à se poser l’année suivante, après les

émeutes qui, en août, sèment la terreur dans le Constantinois. « La

situation s’est dégradée de mois en mois. » Craignant d’être agressé dans

l’obscurité, Joseph Belda, le soir, avant d’aller se coucher, ne sort plus

dans la cour pour éteindre le générateur d’électricité. Chaque jour, il

l’alimente d’une quantité limitée de fuel, afin que, le carburant épuisé, le

moteur s’arrête tout seul vers 23 heures. Aucun signe d’accalmie. De plus

en plus souvent, les journaux relatent des attaques de fermes. Bâtiments

incendiés, occupants massacrés. Juste avant l’été 1956, les Belda

déménagent pour la maison du grand-père, sur la place d’Aïn el Arba.

« Mon père prenait le chemin de la ferme au petit matin et rentrait le

soir. »

L’emballement du rythme des départs de pieds-noirs marque l’année

1962. Surtout après les accords d’Évian, qui prévoient pourtant :

« Leurs droits de propriété seront respectés. Aucune mesure de

dépossession ne sera prise à leur encontre sans l’octroi d’une

indemnité équitable préalablement fixée. Ils recevront les garanties

appropriées à leurs particularismes culturel, linguistique et

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