21.07.2022 Views

Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

hommes de l’Armée algérienne firent assaut et dans un laps de temps très

court, je me retrouvais prisonnier.

Les maquisards m’intiment l’ordre de les suivre. Je n’avais pas cru mes

oreilles parce que je croyais être abattu sur-le-champ. Nos officiers nous

l’avaient maintes fois affirmé. Eh bien, c’est faux… Je ne fus pas abattu. Au

contraire, les hommes de l’Armée algérienne m’invitèrent dans un français

correct à les accompagner pour être présenté à leur chef. L’accrochage

terminé, ordre est donné de prendre une direction que je ne connaissais pas.

Entre-temps, j’avais constaté que plusieurs maquisards portaient deux

armes chacun et j’ai pu déduire que c’était des armes récupérées.

Au bout d’une heure de marche, nous nous arrêtâmes dans une maison de

campagne. J’ai appris qu’un chef important a recommandé à l’aspirant-chef

de la compagnie de l’Armée algérienne de bien me traiter, de me donner

vivres et couverts et surtout de ne pas me maltraiter. Il a même promis de

me rendre la liberté sachant que j’allais être libéré le 6. À partir de ce

moment, je ne fus nullement inquiété. Je manque cependant de cigarettes,

les maquisards ne fument pas. Ils observent et respectent strictement les

consignes de leurs chefs. Vraiment ce sont des chics types. Ils parlent

presque tous le français et se réfèrent dans leur conversation avec moi aux

traditions révolutionnaires du peuple de France. Je suis très étonné par leur

conduite. Ni injures, ni propos déplacés. Ils s’aiment fraternellement.

Ce n’est pas comme dans notre armée, on ne parle jamais de réjouissances

mondaines. J’ai l’impression que ce ne sont pas des hommes, mais des

anges. Ils m’ont entretenu de leurs aspirations qui me paraissent toutes

légitimes. Leur meilleur vœu est d’aller défiler à Alger ou occuper une

place au paradis. Franchement, je ne croyais pas que ceux que nos organes

de presse appellent “rebelles” sont des hommes comme nous, qu’ils

méritent respect et considération. La propagande a laissé les véritables

données de la guerre. De cette sale guerre on nous a dit qu’ils sont une

dizaine. En réalité, nous avons devant nous une armée organisée par

sections, compagnies, bataillons. Avec des officiers et sous-officiers, un

armement moderne, ils disposent même de mortiers.

Cher papa, je suis un peu entraîné par la plume, je veux bien raconter dans

les détails tout ce que j’ai pu constater dans le maquis. Une vie fascinante,

grouille de dangers et d’espoir, mais je m’arrête pour vous dire

essentiellement que je vais très bien, ma santé est excellente, malgré les

longues marches nocturnes auxquelles je commence déjà à m’habituer. La

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!