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Algérie, les oubliés du 19 mars 1962

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Henri étant déjà en Algérie, dans un régiment du train, les parents

Chombeau pensaient que leur deuxième fils, Michel, apprenti chez

Dodin, une pâtisserie réputée de la ville, bénéficierait d’une exemption et

ne serait pas envoyé à la guerre. Erreur. Le 14 septembre 1961, il

embarquait à Port-Vendres et, le lendemain, son bateau accostait à Oran.

Le 16 janvier 1962, alors que, depuis plusieurs mois, émissaires français

et algériens se rencontraient secrètement en Suisse et dans le Jura, il était

e

affecté au 22 RIMA (régiment d’infanterie de marine).

« Il est revenu deux fois pour des permissions d’un peu plus d’une

semaine. Et un jour d’août 1962, j’ai vu deux gendarmes, avec leurs

beaux képis vissés sur la tête, garer leur estafette devant la maison.

Intrigués, les voisins sont sortis sur le trottoir. Ma mère était seule. Je l’ai

entendue hurler. À l’époque, on avait peur de la maréchaussée. Elle

incarnait l’autorité. Je me disais : “Quelle bêtise ai-je pu faire pour que

les gendarmes frappent à notre porte ?” Ils venaient d’annoncer à ma

mère que son fils avait déserté. Le soir, colère noire de mon père quand il

est rentré du travail. »

Quelques jours plus tard, deuxième visite des gendarmes. Ils

accusaient Michel Chombeau d’avoir trahi au profit de l’OAS. « Mon

père, un colosse, les a vigoureusement foutus à la porte. Comme dans les

westerns. »

Depuis la signature des accords d’Évian, le 18 mars précédent, et le

cessez-le feu censé entrer en vigueur le lendemain, à 12 heures, il était,

sur le papier, mis fin aux « opérations militaires et à toute action armée

sur l’ensemble du territoire algérien ». Depuis la proclamation officielle

de son indépendance, le 5 juillet, l’Algérie était un « État indépendant

coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations

du 19 mars 1962 ».

Pourtant, ce même 5 juillet, à Oran, la liesse d’une population

acclamant l’événement avait dégénéré en odieuse explosion de fanatisme

sanguinaire… Deux jours plus tard, les soldats Michel Chombeau, vingt

et un ans, célibataire, Michel Jacquet, vingt et un ans, marié, un enfant,

Rudolf Letient, vingt-deux ans, marié, un enfant, et le sergent Jean-Pierre

e

er

Brillouet, vingt-deux ans, célibataire, du 22 RIMA, 1 bataillon, peloton

scout-cars, se volatilisaient. « En patrouille, avaient-ils été victimes d’une

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