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Henri étant déjà en Algérie, dans un régiment du train, les parents
Chombeau pensaient que leur deuxième fils, Michel, apprenti chez
Dodin, une pâtisserie réputée de la ville, bénéficierait d’une exemption et
ne serait pas envoyé à la guerre. Erreur. Le 14 septembre 1961, il
embarquait à Port-Vendres et, le lendemain, son bateau accostait à Oran.
Le 16 janvier 1962, alors que, depuis plusieurs mois, émissaires français
et algériens se rencontraient secrètement en Suisse et dans le Jura, il était
e
affecté au 22 RIMA (régiment d’infanterie de marine).
« Il est revenu deux fois pour des permissions d’un peu plus d’une
semaine. Et un jour d’août 1962, j’ai vu deux gendarmes, avec leurs
beaux képis vissés sur la tête, garer leur estafette devant la maison.
Intrigués, les voisins sont sortis sur le trottoir. Ma mère était seule. Je l’ai
entendue hurler. À l’époque, on avait peur de la maréchaussée. Elle
incarnait l’autorité. Je me disais : “Quelle bêtise ai-je pu faire pour que
les gendarmes frappent à notre porte ?” Ils venaient d’annoncer à ma
mère que son fils avait déserté. Le soir, colère noire de mon père quand il
est rentré du travail. »
Quelques jours plus tard, deuxième visite des gendarmes. Ils
accusaient Michel Chombeau d’avoir trahi au profit de l’OAS. « Mon
père, un colosse, les a vigoureusement foutus à la porte. Comme dans les
westerns. »
Depuis la signature des accords d’Évian, le 18 mars précédent, et le
cessez-le feu censé entrer en vigueur le lendemain, à 12 heures, il était,
sur le papier, mis fin aux « opérations militaires et à toute action armée
sur l’ensemble du territoire algérien ». Depuis la proclamation officielle
de son indépendance, le 5 juillet, l’Algérie était un « État indépendant
coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations
du 19 mars 1962 ».
Pourtant, ce même 5 juillet, à Oran, la liesse d’une population
acclamant l’événement avait dégénéré en odieuse explosion de fanatisme
sanguinaire… Deux jours plus tard, les soldats Michel Chombeau, vingt
et un ans, célibataire, Michel Jacquet, vingt et un ans, marié, un enfant,
Rudolf Letient, vingt-deux ans, marié, un enfant, et le sergent Jean-Pierre
e
er
Brillouet, vingt-deux ans, célibataire, du 22 RIMA, 1 bataillon, peloton
scout-cars, se volatilisaient. « En patrouille, avaient-ils été victimes d’une