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de Castres. Paysans les uns et les autres, ils avaient espéré trouver des
terres fertiles en Algérie. La mère, Catherine Coll, avait cinq ans de
moins que son mari. Avant leur mariage, elle habitait Rivet, une bourgade
à proximité des pistes de Maison-Blanche, l’aéroport d’Alger. Ses
grands-parents, paternels et maternels, ouvriers agricoles, avaient émigré
de Minorque. Comme beaucoup d’habitants de l’île, ils avaient fui la
misère des Baléares. Les vergers et les maraîchages arrachés aux
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broussailles par ces Mahonnais , habitués aux exigences de l’agriculture
méditerranéenne malgré une chaleur accablante, avaient façonné, aux
portes d’Alger, « les jardins de la mer », un paysage qui allait inspirer les
peintres orientalistes.
À l’automne 1954, Daniel entend ses parents commenter, dans un
mélange d’indignation et d’inquiétude, les attentats de la Toussaint
Rouge. Notamment la rafale de mitraillette qui a froidement balayé, au
er
petit matin du 1 novembre 1954, trois passagers d’un autobus reliant
Biskra à Arris, dans les gorges de Tighanimine : un couple de jeunes
instituteurs limougeauds et un notable musulman.
L’année suivante, la tension augmente. Surtout après les émeutes du
20 août : des milliers de paysans arabes, qui, encadrés par le FLN, ont
semé la terreur dans une trentaine de villes et de villages du
Constantinois. À El Halia, village minier situé à 3 kilomètres de
Philippeville, l’abjection a dépassé le plus odieux des cauchemars.
171 hommes, femmes, enfants, égorgés, éventrés, émasculés, abattus à la
carabine. L’angoisse tenaille les paysans des fermes isolées. Incendies et
massacres obscurcissent leur environnement.
Début 1956, par souci de sécurité, les Akermann vont vivre à Rivet où,
dans sa grande maison, les héberge Antoine, dit « Tony », le frère aîné de
Catherine Coll. Daniel se rappelle son premier mort. « Je me trouvais, à
côté de mon oncle, à la porte de sa maison. Soudain, un coup de feu et, à
une cinquantaine de mètres de nous, un homme s’est effondré. » Louis
Akermann, quant à lui, refuse d’abandonner sa ferme, où logent quatre
ouvriers arabes et leurs familles. « Malgré les risques d’embuscades, il
partait, chaque matin à Rhylen et rentrait le soir. 30 kilomètres à l’aller et
au retour. Nous sommes restés six mois à Rivet. »
Le 28 décembre 1956, à 10 h 15, Amédée Froger, soixante-quatorze
ans, atteint de trois balles de 7.65 tirées par un tueur du FLN, Ali Amar,