You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Comptes rendus<br />
tel territoire de l'ordre de la nature à celui de la civilisation. Particulièrement<br />
évocatrice est ici l'évolution des cartes publiées dans les monographies<br />
locales du Fujian, et leur reproduction dans l'ouvrage est des plus<br />
heureuses.<br />
Le débat est très similaire lorsqu'il s'agit de déterminer si les aborigènes<br />
taiwanais appartiennent irrémédiablement au royaume de la Nature<br />
ou s'ils ont l'aptitude d'entrer pleinement dans celui de la Culture (chapitre<br />
4). L'idéal « transformationniste », qui finalement l'emporte, coïncide<br />
avec l'idée d'une nature humaine universelle comme avec l'idéologie<br />
paternaliste inhérente à l'entreprise coloniale Qing, l'empereur adoptant<br />
pour enfants tous les habitants vivant sous la surface du Ciel - une image<br />
fréquente dans les écrits sur Taiwan. Le chapitre 5 élabore la représentation<br />
d'un « continuum » entre Han et aborigènes, le déroulement passant<br />
au travers des sauvages eux-mêmes, classés entre « crus » (shengfan ^È.#)<br />
et « cuits » (shufan jf&ffO, selon la distinction de rigueur depuis au moins<br />
la dynastie Song. La distinction renvoie bien sûr à des stades de développement<br />
historique, mais elle s'affirme aussi dans des lignes de séparation<br />
géographique, la fixation de la « frontière sauvage » (shengfan jie ffi) à<br />
Taiwan en 1722 vers le bas des montagnes centrales revêtant une importance<br />
particulière. Pratiquement, l'Empire Qing renonce à exercer sa suzeraineté<br />
au-delà de la frontière ainsi tracée au travers de l'île. La redéfinition<br />
de cette ligne en 1760 montre bien l'affirmation de la pensée du<br />
« continuum » : le territoire enlevé aux sauvages « crus » est attribué spécifiquement<br />
aux sauvages « cuits », placés en position de transition (et de<br />
ligne de protection) entre les colons Han et les plus irréductibles des aborigènes.<br />
Le chapitre suivant montre la sophistication croissante des représentations<br />
des aborigènes taiwanais et des distinctions opérées parmi eux.<br />
L'analyse de la « nature » aborigène au travers des costumes et gestiques<br />
est particulièrement bien conduite (p. 156-172). Tout aussi intéressant est<br />
le chapitre 7 qui étudie le discours colonial comme un discours de<br />
« l'inversion » des distinctions homme-femme : la société aborigène est<br />
généralement décrite comme donnant préséance à la femme sur l'homme,<br />
en contraste structurel avec la civilisation chinoise. C'est, montre Teng, le<br />
504