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Comptes rendus<br />
ou pour des motifs politiques, certains empereurs patronnèrent l'église<br />
bouddhique, on sait la fronde que cela provoqua chez certains confucianistes,<br />
pour lesquels le bouddhisme était la cause de tous les maux ; d'où, par<br />
exemple, la vague de répression anti-bouddhique du début du règne de<br />
Jiajing, en réaction aux faveurs distribuées par Chenghua puis Zhengde.<br />
La situation change avec le renouveau du bouddhisme chez les lettrés,<br />
Wanli leur emboîtant le pas et se posant comme protecteur. L'État adopte<br />
alors une attitude plutôt indifférente vis-à-vis de l'église, tandis que certains<br />
lettrés justifient leurs sympathies pour le bouddhisme en défendant<br />
des positions syncrétistes. On en arrive au paradoxe que le bouddhisme<br />
redevient semi-officiel : « The Buddhist monastery was not public [...] nor<br />
was it private » (p. 156). Critiquée par les confucianistes orthodoxes, la<br />
bouddhisation d'une partie des élites de la fin des Ming lui donne une<br />
nouvelle identité et une nouvelle autonomie, ce que Brook a bien montré<br />
dans Praying for Power ; cependant, étant donné la faiblesse intrinsèque<br />
de l'église, les Qing n'éprouveront pas le besoin de légiférer.<br />
Le dernier chapitre, version remaniée d'une communication faite en<br />
1998, s'articule de façon originale. Brook ne craint pas d'y poser d'emblée<br />
la question de la « constitutionnalité » du bouddhisme. Le Code et le Huidian<br />
- la « constitution » des Ming - donnent du bouddhisme une vue qui<br />
est celle de l'État : ce n'est pas la religion officielle, mais la religion du<br />
peuple (du point de vue de l'État, il s'agit d'éviter les troubles sociaux<br />
qu'elle est susceptible de provoquer) et c'est une église à contrôler (pour<br />
éviter l'évasion fiscale). Le texte des lois sous-entend, car il ne la mentionne<br />
pas, que la gentry est du côté de l'État dans sa guerre contre le<br />
bouddhisme 5 . Pour montrer combien cette « constitution » est en décalage<br />
avec la réalité et, au contraire, combien l'institution bouddhique est partie<br />
intégrante de la société, Brook analyse le traitement du bouddhisme dans<br />
les monographies locales du Beizhili. Ce traitement est varié, les hésitations<br />
mêmes des compilateurs (que faire du bouddhisme ? quels monastères<br />
comptabiliser ? doit-on leur réserver un chapitre à part ?) témoignant<br />
de la situation ambivalente de l'institution bouddhique au sein de la société.<br />
Un compilateur confucéen se fera la voix de l'État : il affirmera la<br />
supériorité du confucianisme, par exemple en amputant la monographie<br />
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