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Comptes rendus<br />
décrète qu'Ah Q représentait le paysan d'une ère révolue. Ce portrait n'est<br />
donc plus valide à l'heure où les paysans ont donné la preuve de leur esprit<br />
révolutionnaire.<br />
Après l'image du paysan, un autre long chapitre étudie la nature de<br />
la société rurale chinoise. Il est plus ennuyeux, tout en insérant à nouveau<br />
quelques remarques de bon sens dans des débats abscons. Ces débats<br />
opposent d'abord (entre 1928 et 1933) les nationalistes, eux-mêmes divisés<br />
entre partisans de Chiang Kai-shek et de Wang Jingwei, aux marxistes,<br />
encore plus irréconciliablement divisés entre trotskistes et porte-parole du<br />
PCC. Ensuite (1934-1937), les marxistes restent seuls en lice et discutaillent<br />
sans relâche afin de déterminer si la société rurale chinoise est semicoloniale<br />
et semi-féodale, comme l'affirme le PCC à la suite du Komintern,<br />
ou déjà capitaliste, comme le prétendent les trotskistes. Après nous avoir<br />
infligé leurs arguments, l'auteur conclut sagement qu'il s'agissait moins<br />
d'un débat académique que d'un enjeu politique, les tenants des thèses<br />
respectives s'étant durant la première phase abstenus d'investigations<br />
sérieuses, avant (durant la seconde phase) de se borner à des enquêtes<br />
destinées à confirmer des conclusions préalablement formulées en ville.<br />
Rien d'étonnant à ce que les autres, les non-marxistes, aient assisté médusés<br />
à des disputes qui ne les concernaient pas.<br />
Dans un dernier chapitre, l'auteur retrace les relations entre intellectuels<br />
et paysans. Nous nous retrouvons à nouveau en terrain largement<br />
balisé : les intellectuels révolutionnaires reviennent soulever les masses<br />
dans leur village natal (aux pages 122-126, un interminable tableau, néanmoins<br />
utile au spécialiste, confirme ce fait bien connu), les maîtres d'école<br />
villageois garnissent les rangs d'un PCC qui fait fort peu d'adeptes<br />
paysans lorsqu'il s'aventure en milieu rural. Aux yeux des paysans, ces<br />
intellectuels qui leur veulent du bien - fût-ce pour les embrigader dans leur<br />
croisade nationaliste - sont des étrangers aux idées étranges et des membres<br />
de la classe dirigeante. Ils s'abstiennent donc de répondre aux enquêteurs<br />
ou aux prosélytes ; s'ils sont contraints de répondre, ils leur mentent<br />
délibérément. À leur tour, les intellectuels feignent (par exemple en dissimulant<br />
leur scepticisme à l'égard des divinités locales) afin de gagner la<br />
confiance des paysans. Des paysans qu'ils entendent guider, transformer et<br />
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