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Comptes rendus<br />
mie féminine). Mais il est vrai aussi qu'il n'existe sous forme de livre en<br />
langue occidentale, aucune histoire du taoïsme des origines à nos jours.<br />
De fait, les généralisations, simplificatrices par définition, étaient<br />
nécessaires. Les richesses et les faiblesses du livre reflètent surtout l'état<br />
actuel du champ des connaissances en général. D'abord, les points de vue<br />
spirituels et théologiques sont privilégiés par rapport aux approches des<br />
sciences sociales, dans le livre comme dans l'historiographie en général :<br />
de longs développements sur les déesses féminines (première partie) nous<br />
apprennent plus sur la théologie taoïste que sur les femmes (car les déesses<br />
ne sont pas toujours, voire pas souvent, dans un rapport privilégié avec les<br />
fidèles féminines). Comme dans les études sur bouddhisme et femmes,<br />
domaine d'étude plus vaste mais assez semblable, il est plus souvent question<br />
de « féminité » théorique voire de théologie féministe que de femmes<br />
bien réelles observées par les méthodes des sciences sociales (voire sur ce<br />
point les analyses de Bernard Faure, The Power of Déniai. Buddhism,<br />
Puriîy, and Gender, Princeton : Princeton University Press, 2003). De fait,<br />
les sources convoquées par les deux auteures sont presque uniquement<br />
normatives (règles, hagiographie, doctrine, manuels de pratique spirituelle)<br />
et consacrées à des rôles modèles, laissant peu entrevoir ce que le taoïsme<br />
a pu changer dans la vie des chinoises ordinaires. Il serait particulièrement<br />
passionnant d'enquêter sur l'utilisation concrète par des femmes des textes<br />
taoïstes présentés ici, de la même façon que Brigitte Baptandier ou Adeline<br />
Herrou, dans deux contextes très différents, ont observé sur le terrain<br />
l'utilisation concrète des discours taoïstes de la féminité (le culte de la<br />
maîtresse des mystères de la conception et de la maternité dans un cas, la<br />
sublimation des catégories de genre dans le monachisme dans l'autre).<br />
Par ailleurs, la thèse fondamentale qui semble parcourir l'ouvrage<br />
est que le taoïsme offrait aux femmes des rôles et des possibilités bien plus<br />
nombreuses que dans la société environnante, mais que cette ouverture a<br />
été marginalisée, à quelques exceptions près (les nonnes taoïstes, la pratique<br />
individuelles des adeptes de l'alchimie féminine) par une société<br />
confucéenne patriarcale. C'est ainsi que les auteures expliquent le fait que,<br />
tandis que les textes les plus anciens du Tianshi dao ^clfiBli prescrivent<br />
l'égalité du couple dans la prêtrise, on n'observe plus, à l'époque moderne,<br />
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