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Comptes rendus<br />
à l'appui d'une critique objective de la tradition historiographique déjà<br />
bien formée, pour en montrer les déformations, parfois délibérées. Si la<br />
personnalité politique du Panchen Lama et la logique de ses choix paraissent<br />
parfois hésitantes, essentiellement en raison des lacunes de la documentation,<br />
sa personnalité religieuse est beaucoup plus définie. Il a rempli<br />
sa mission, qui était d'abord la diffusion du bouddhisme, et il serait intéressant,<br />
dans l'avenir, de voir si son œuvre conservée comporte des originalités<br />
dogmatiques ou si elle est entièrement consacrée à l'enseignement.<br />
L'ouvrage donne un étonnant panorama de son activité religieuse en Chine,<br />
intéressant aussi bien la connaissance de la renaissance bouddhique au<br />
début du XX e siècle que celle de l'utilisation politique qui en fut faite par<br />
les dirigeants chinois. La vie du IX e Panchen Lama et ses actes ont souvent<br />
été marqués par le paradoxe. Le moindre n'est sans doute pas son adhésion<br />
à la pensée de Sun Yat-sen et la lecture qu'il en fit. Fabienne Jagou en<br />
donne de substantiels éléments d'appréciation et ne pouvait s'y arrêter trop<br />
longtemps, pour l'équilibre du livre, mais le sujet mériterait encore quelques<br />
développements qu'elle présentera certainement. Les contacts du<br />
Panchen Lama avec les princes mongols dans leur tentative indécise<br />
d'autonomie et avec certains Seigneurs de la Guerre sont également évoqués,<br />
de même que les possibles manipulations qu'ils suggèrent.<br />
L'exposé n'est pas moins riche en ce qui concerne le domaine plus<br />
strictement tibétain, que ce soit dans la relation de l'attitude du Panchen<br />
Lama lors des exils du Dalai Lama, dans la présentation de la position de<br />
celui-ci à son égard, ou dans la description de ses relations avec le gouvernement<br />
tibétain après la mort du Dalai Lama, et ses tentatives de retour,<br />
alors même que se déroulait la Longue Marche et qu'était formée la province<br />
du Xikang. On connaissait déjà les faiblesses et les atermoiements<br />
des responsables politiques de Lhasa, si néfastes aux tentatives de réforme<br />
du Dalai Lama ; l'entourage du Panchen Lama, tel que Fabienne Jagou le<br />
décrit, présentait des défauts aussi lourds et ce constat complète singulièrement<br />
le tableau qu'on peut dresser de la société et du pouvoir au Tibet,<br />
au cœur d'une Asie déchirée, à la veille du conflit mondial et du raz-demarée<br />
communiste. Ce tableau serait incomplet sans une référence aux<br />
éternels oubliés de l'histoire tibétaine, c'est-à-dire ses populations plus<br />
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