You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Comptes rendus<br />
insidieusement en élément d'explication. Prenons par exemple le fait que<br />
la diffusion de l'opium dans des couches de plus en plus populaires de la<br />
population s'accompagne, au milieu du XIX e siècle, du revirement des<br />
élites, qui en viennent à condamner l'usage d'une drogue qu'elles ont<br />
elles-mêmes introduite dans la société chinoise et abondamment célébrée.<br />
Il est certes intéressant d'évoquer, entre autres, le cas assez analogue de la<br />
vodka dans la Russie du XIX e siècle. Pour autant, cela n'implique pas que<br />
l'on fasse l'économie de l'explication de ce revirement des élites chinoises.<br />
Il n'est pas écrit que, sous tous les climats et à toutes les époques, les élites<br />
doivent nécessairement rejeter comme vulgaire et funeste une pratique dès<br />
lors que celle-ci se diffuse dans la société. Du reste, l'opium est une substance<br />
qui permettait parfaitement aux Chinois riches, en fumant des variétés<br />
particulièrement coûteuses ou en utilisant du matériel de grand luxe, de<br />
maintenir leurs distances avec la consommation populaire.<br />
Il faut aussi évoquer certaines omissions du livre, ou du moins les<br />
deux principales. Tout d'abord, la question des prix de la drogue aurait<br />
mérité d'être prise beaucoup mieux en compte, tant il est évident qu'elle<br />
influence de façon capitale la diffusion de la drogue dans la société. Aucune<br />
analyse quantitative ne vient éclairer le lecteur, alors que des chercheurs<br />
(Lin Manhong en particulier) ont réalisé des études détaillées sur la<br />
question. Deuxièmement, le parfait silence sur le plan de 1906 est proprement<br />
stupéfiant (si l'on peut dire). Appliqué avec efficacité par les autorités<br />
impériales de 1906 à 1911, ce plan représente une rupture fondamentale<br />
dans l'histoire de la consommation de l'opium en Chine, provoquant<br />
en quelques années seulement une baisse considérable du nombre de fumeurs.<br />
Comment est-il possible de débuter le dernier chapitre, consacré à<br />
la consommation de l'opium sous la République, en n'y faisant même pas<br />
allusion ?<br />
Il n'est pas moins étonnant de constater que l'auteur ignore totalement<br />
des travaux récents aussi importants que ceux de Joyce Madancy ou<br />
de Frank Dikôtter (dont le livre n'est évoqué qu'en une phrase page 193, et<br />
oublié, par ailleurs, dans la bibliographie), qui ont pourtant œuvré dans<br />
une perspective assez proche de celle de l'auteur. Même un article aussi<br />
538