Le Merblex

XI
En fait de Maison-de-Vie, la nôtre était bien gardée et les
pilleurs de tombes qui s’y seraient introduits sans chausser leurs
pantoufles, auraient été drôlement bien reçus… Une bonbonnière
que c’était chez nous. Malheur à qui déplaçait un bibelot
de son napperon !
Le poêle à charbon ronronnait sous le marbre noir de la
cheminée en exhalant une odeur de cire cuite tandis que Léopold,
absorbé par une lecture, aurait semblé momifié si de
temps à autre, il n’avait bougé les doigts pour tourner les pages.
Clara, assise dans un autre fauteuil, balayait son espace vital
d’un regard circulaire, répertoriant les surfaces qui n’auraient
pas reçu leur coup d’Ajax. La tête légèrement renversée en arrière,
elle aspirait régulièrement des bouffées de sa cigarette de
tabac blond, satisfaite de voir que l’univers entier était en ordre.
Elle se faisait une vraie gloire de voir briller le dais de ses
meubles et pour un peu, elle aurait aussi astiqué le tronçon des
voies du tramway passant sous nos fenêtres. Sans le soutien symétrique
des choses « bien à leur place », dans l’angle choisi par
elle et sous l’éclairage qu’elle avait décrété, elle se sentait prise
de vertiges. Ainsi, peu à peu, le petit ennui douceâtre qui planait
dans la pièce, finissait-il toujours par ressembler au bonheur
qui fait tourner la terre.
« Pour une fois, les gosses ne bougent pas murmura-t-elle.
On ne les entend pas, hein Léo’? Lui, hochait la tête en signe
d’approbation, sans lever le front de son polar.
– Pourvu qu’ils ne soient pas en train de faire des bêtises.
Bof, on finira bien par les dresser ces deux là… »
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