Le Merblex

les tentures pendouillantes, comme si le voile du grand temple
s’était déchiré. Une fois l’atmosphère dégagée, un ange traversa
le living, puis naturellement tout le monde se mit à s’entraider
pour remettre tout en ordre. Cet acte de la pièce se jouait en
grande partie à quatre pattes. Fallait voir comme la tribu
s’unissait au moment de recoller nos bibelots quotidiens, de
vrais agneaux qu’on était. Dans ces moments-là, tout était décalé
; les aiguilles des horloges tournaient à l’envers, et les publicités
radiophoniques que débitait obstinément le transistor rendaient
le « bonheur » plus surréaliste encore que chez Bunuel.
Clara avait bien raison d’acheter toujours du « durable » et du
« solide », qu’aurions-nous fait de meubles signés Jacob ? Surtout
quand on a trouvé un moyen démocratique pour s’offrir un
intérieur Picasso.
« Si c’est pas malheureux de voir ça, pleurnichait-elle, à
genoux, les mains jointes. C’est de ta faute petit salopard, si je
me chamaille avec ton père…
– Qui moi ?
– Oui toi, explosa-t-elle en pointant son index vers mon
nez ! Si tu n’étais pas là, on pourrait au moins respirer ? Personne,
t’entends, personne ne t’avait demandé de venir au
monde !
– Alors comment est-ce que ça se fait, alors ?
– Oh l’effronté ! Toi alors, tu pourras au moins te vanter de
m’en avoir fait baver ! Mais ça n’est rien, ça n’est pas grave, le
petit Jésus vous voit. Il vous observe, vous ne l’emporterez pas
au paradis, ça je vous le jure ! »
Elle arpentait l’appartement comme un courant d’air égrenant
son chapelet de jérémiades, faisant ci et là des génuflexions
pour ramasser de menues choses planquées sous les armoires.
« Tu n’voudrais pas hein dis, ah non ça… Tu es le même
que ton-hic-père ! Un petit-hoc salaud ! Voilà ce que vous êtes.
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