Le Merblex

XIX
Après cette période, commença celle du duat à la carte, si je
puis dire. La barque solaire de ma destinée était en construction
quelque part. Les paroles de ma marraine m’étaient restées en
mémoire… Une chose était sûre : valait mieux pour tout le
monde que je travaille à demeure. Pour le coup, je m’exilais à la
campagne, au milieu des bovins, exercer mes talents de jeune
« chef de rang ».
Le château de la Grande Fresnaye appartenait à d’anciens
coloniaux rentrés d’Afrique avec honneur et fortune, ainsi qu’en
témoignaient les nombreux trophées de chasse qui ornaient
toutes les salles. Ces gens-là avaient toujours eu des « boys
nègres » et ne parvenaient pas à s’en déshabituer… J’étais là
pour combler le manque. Hormis le service de quelques rares
gastronomes de passage, je n’avais guère d’autre occupation que
celle de prévenir les moindres désirs de mes hôtes. Régulièrement,
ils meublaient leur ennui en conviant leurs amis de luxe à
venir faire la bamboula. Ceux-ci ne se faisant pas prier, accouraient
en hordes sauvages pour remettre en scène la cour de Sodome.
Ca me plaisait pas du tout moi, leurs safaris torrides. Il y
avait de belles sauteuses n’empêche, plutôt excitantes qui se
consommaient en levrette, à toutes les sauces.
La bande se retirait à l’aube, laissant derrière elle un capharnaüm
indescriptible. Puis, le disque solaire se levait sur la
propriété un peu comme sur le Kenya, après un grand massacre.
Ils me donnaient bien des idées avec leurs partouzes… Je
flottais entre mes deux corps… tiraillé, prêt à suivre mes cuisses.
Mais possédant la science du haut et du bas, je résistais, le cœur
étroitement serré sous la peau de ma Maison-de-Vie.
– 208 –