Le Merblex

pour s’y raccrocher… Elle comptait les bouquets, les cartes de
condoléances… On eut dit qu’elle se préparait à une noce. À
chaque arrivage, elle s’exclamait :
« Regardez comme elles sont belles, c’est encore pour notre
petit ça… Ce sont les Mâgis qui les ont fait livrer… Ah, mais on
l’aimait bien notre petit pharaon, hâ que oui ça. Hein oui Léo’,
hein oui, qu’on l’aimait bien Henri ? Hein oui ? Hein dis, que
toute bizarre elle psalmodiait.
– Ben oui, il avait ses idées, mais ce n’était pas un méchant
gamin…
– Et les Swénennes, hein oui, qu’ils vont venir, dit ? Hein
oui ? Non. Ils ne viendront pas, ils ne viendront pas, je m’en
doutais. Ah, si les voilà ! Les voilà, s’excitait-elle », comme si
nos visiteurs venaient la délivrer.
La maison fut bientôt pleine de monde. Dire qu’il avait fallut
mourir pour voir ça…
À la levée du corps, ce fut la tragédie. Clara se jeta sur mon
sarcophage et se mit à hurler mon nom de toutes ses forces,
mais elle se cassa seulement les ongles sur le bois du cercueil
plus dur qu’elle. Il fallut qu’ils s’y prennent à plusieurs pour lui
faire lâcher prise. Tout le monde avait un peu honte d’assister à
ces épanchements mais tous serraient les dents.
Ah, ma pauvre petite mère-blex, tu étais bien punie ce jour
là… Les remords suintaient de ta personne.
Chez nous, c’était : bonjour, bonsoir. On ne montrait pas
nos vrais sentiments, on s’embrassait comme par hasard aux
baptêmes et aux enterrements. Je ne savais pas dire papa, je ne
savais pas dire maman. Lui, ne savait pas dire « mon fils », elle
ne savait dire « mon enfant », comme si l’on craignait de briser
nos cœurs, calices de déveine, en les frottant avec des mots de
porcelaine. Et puis un jour, on est client, on se retrouve devant
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