Le Merblex

« Tu es un grand garçon dit-il, alors je suis venu bavarder
avec toi avant ton opération. Ton œil sera abîmé, même si
l’opération réussit, alors nous allons peut-être devoir te
l’enlever… »
Ce gars-là était un petit malin, il devait avoir un rendezvous
galant dans l’après-midi et cherchait à gagner un peu de
temps en me faisant un look de cyclope. Que lui coûtait-il
d’essayer ? Ou était-ce un descendant de Tchicohïs qui voulait
se venger ? Or moi, j’étais scribe de Méneptah, ne l’oublions
p’tâh ! J’avais besoin de mes deux z’œils. Non ! Le nenœil, il
était à moi, alors j’le garderais et tant pis pour la mousmé qui
s’impatientait à la terrasse du bistrot d’en face.
Le lendemain, les embaumeurs m’emmenèrent sur un petit
chariot sarcophagique, vers le bloc opératoire où l’on me fit aussitôt
une injection de natron (préparation que les embaumeurs
injectaient aux morts avant de les insérer dans les bandelettes).
J’ai senti tourner mon cœur puis, je suis sorti comme une bulle
hors de ma Maison-de-Vie pour aller flotter à hauteur du plafonnier.
Mon corps dormait, mais cependant je pouvais entendre
les réflexions des chirurgiens qui s’affolaient en constatant
que je ne supportais pas très bien l’anesthésie.
Je franchis ainsi les portes du duat et j’entrais dans la belle
Amenti comme pour y renaître. Je pénétrais la demeure de
Maât où sont purifiés les habitants des cercueils pour des millions
d’années. Horus ouvrait pour moi les portes de l’horizon et
je recevais la science mystérieuse des organes internes. Comme
un faucon, je parcourais les régions supérieures du ciel, tandis
que les dieux régulateurs des rythmes sacrés
m’accompagnaient…
« O dieux, que votre volonté soit faite. À défaut d’air, d’eau
et des plaisirs de l’amour, puisais-je entrer dans le nœud cosmique
du destin. Puisais-je recevoir la sanctification de mon
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