Le Merblex

les filles avé nous, ça t’aurait évité de re-flé-chir dis, tu penses
trop toi. C’est pour ça que tu n’es pas heureux, t’as l’air d’un
sphinx té.
– Et qu’est-ce que tu comprends aux sphinx toi Mathéo’?
– Ça ne sourit pas les sphinx, c’est ça que je veux te dire.
– Y’a pas plus souriant qu’un sphinx Mathéo’, là tu te
trompes, ils ont le sourire intérieur, c’est tout.
– Oh ! si tu pars dans la subtilité, maintenant, d’accord… »
Le lendemain, je retrouvais le taxi que j’avais réservé la
veille, avec qui j’avais convenu d’avance du prix de la course
jusqu’au Caire. Je pris place sur la banquette poussiéreuse du
véhicule qui s’engagea aussitôt sur une route étroite, longeant le
lac Mariout. J’avais le sentiment de rentrer chez moi après une
longue absence. Tout au long du parcours, je reconnaissais les
scènes paysannes que j’avais collées dans mes albums. Tout
était comme je l’avais imaginé. Les Égyptiens semblaient s’être
trompés de millénaire. Ils traçaient encore les sillons de leurs
champs précédés d’attelages de bœufs et fabriquaient euxmêmes
les briques de leurs maisons, en piétinant la glaise mêlée
de paille.
« Vous allez to hôtel ?
– Heu non ! directement to Gizeh.
– Gizeh ?
– To pyramides, oui, Kheops, Mykérinos, vous voyez ?
– Oui, je comprô français. Direct’to pyramids. Hum,
koiyes, koiyes ! (Bon, bien, d’accord.) À Misr’, beaucoup parler
français, i’I’nglich’, bôcoup touristes, bôcoup. »
En approchant de mon horizon, je distinguais les minarets
du Caire, pointés comme des fusées vers le cosmos et qui
m’annonçaient la vision proche des obélisques.
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