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Le Merblex

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ien encore quand on songe aux rats que le chef faisait griller<br />

vifs sur le fourneau. <strong>Le</strong>s truites, il ne les assommait pas, il leur<br />

croquait la nuque d’un simple coup de dents. Puis, il y avait<br />

cette orgie de déchets sacrilèges, déjà fientes, irrémédiablement<br />

perdus pour le tiers-monde, que l’on déversait dans la poubelle<br />

du bonheur, au-dessus de quoi planait en permanence une pestilentielle<br />

odeur de gastronomie salopée. On eut dit que l’on débarrassait<br />

davantage de boustifaille que nous n’en servions.<br />

Néanmoins, l’emploi de serveur offrait l’avantage d’instruire,<br />

voire de se cultiver, si l’on possédait l’esprit d’observation, la<br />

plupart des événements de la vie aboutissant inévi-table-ment<br />

autour d’une table. Fêtes, anniversaires, mariages, affaires, passions<br />

finissantes ou débutantes viennent s’y asseoir. Des gens de<br />

toutes nationalités, de tous bords, s’y rencontrent. Une psychologie<br />

se crée si bien que l’on finit par deviner leur état civil rien<br />

qu’en les voyant entrer.<br />

Il y avait ces tables rougeaudes, déchaînant leurs opinions<br />

politiques ou artistiques. Enfin, tout l’érotisme, toute la grâce de<br />

ces femmes suçant fiévreusement les membres disloqués<br />

d’écrevisses ébouillantées pour leurs beaux yeux. Ah, ces<br />

femmes, aux bustes comme des globes allumés, surplombant en<br />

balcon la nappe blanche, comme j’aimais les regarder… Il ne<br />

leur fallait pas plus de deux coupes de Saint-Estèphe pour que<br />

leurs joues s’empourprent et que leurs yeux vagabondent hors<br />

du cercle des convives. Elles me dévissaient le cœur quand je<br />

frôlais leurs épaules de déesse et je devinais les secrets de leur<br />

cœur rien qu’en les entendant glousser. Combien de vaisselle<br />

n’ai-je pas cassée à cause d’elles ? Combien de voyages de la<br />

salle à l’office n’ai-je pas faits pour satisfaire leurs caprices ?<br />

Ainsi, d’allers-retours en allers-venues, j’avais le sentiment<br />

permanent de passer de la duat en Amenti (De l’enfer au paradis.<br />

Inces en fin de volume).<br />

Lorsque le service se terminait tard, tintin pour choper le<br />

dernier train. Eddie m’invitait alors à coucher chez lui. Bientôt<br />

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