Le Merblex

Nous avons quitté le café pour nous enfoncer dans le labyrinthe
des bazars où tout l’Orient était rassemblé. Le Musulman,
le Chrétien, l’Orthodoxe, l’Osirien s’y interpénétraient
dans une espèce de foire aux symboles folkloriques. Dans la
foule grouillante, les mélayas noires des femmes se reconnaissaient
parmi les galabieh bleues, blanches ou grises des
hommes. Des enfants aux allures de maraudeurs couraient nupieds
à la recherche du touriste égaré qu’ils remettraient sur le
bon chemin, moyennant quelques piastres. Partout, des petits
boutiquiers, des artisans marchandaient les choses les plus inattendues.
« Estana chouia », lançaient-ils aux touristes trop pressés
d’esquiver la palabre (Venez discuter un peu.). Dans les ruelles
parfumées à l’hibiscus, se trouvaient entassés, dans un capharnaüm
indescriptible, toutes sortes d’antiquités et d’objets hétéroclites…
Dans les arrière-boutiques, sans doute finissait-on par
découvrir la véritable pièce de musée réservée aux initiés…
Depuis que nous avions quitté le café, Farid Khasnoûb ne
parlait plus, tout occupé qu’il était à nous frayer un passage en
« slaloomant » entre les charrettes de pigeons rôtis et de salades
baladi. Il s’engouffra sous un porche en poussant une porte de
bois finement travaillée, encadrée de linteaux de pierres taillées
en arabesques. Nous atteignîmes le premier étage, par un petit
escalier en marbre patiné. À ce moment là, j’eus conscience de
vivre une heure privilégiée de mon existence. Sans doute Phaéton
Ems avait-il éprouvé le même sentiment en gravissant ces
degrés, quelques années plus tôt ? J’allais vivre une semaine à
l’égyptienne et cette idée me comblait.
F. Khasnoûb, dont la sensibilité dépassait la mienne, remarqua
mon émotion et me sourit. Une jeune fille, dont je ne fis
qu’entrevoir le visage, vint nous ouvrir. Farid lui adressa
quelques mots en arabe, elle s’enfuit aussitôt, en me laissant à
peine la découvrir.
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