Le Merblex

« Qu’est-ce que je voulais dire moi… Zut, j’ai oublié, ça
n’est rien, ça me reviendra tout à l’heure… », mais ça ne revenait
pas ! Ce manège dura plusieurs semaines, pendant lesquelles
elle ne me refusa rien. Jusqu’à ce que Phyl’aille cafarder
auprès du fater.
« Qu’est-ce qui te prends gronda Léopold, tu veux que
votre mère aille à l’asile ou quoi ? » Y se voyait déjà manger du
matoufet toute la semaine, lui. Alors qu’avec Clara, il avait droit
à la bonne cuisine bretonne, quand elle était bien lunée.
« Ca lui apprendra à détruire mes affaires. Moi aussi, je deviens
maboule. Au moins, pendant qu’elle cherche ses clés, elle
ne me boxe pas.
– Ca suffit trancha Léopold. Il n’y a pas de vengeance qui
tienne ! Le prends pas mal, mais si tu n’étais pas là, il y a longtemps
que j’aurais plié bagages. C’est pas une mauvaise mère,
c’est une femme inachevée…
– Oui mais, elle sait tout maintenant, dès qu’elle aura retrouvé
ses esprits, elle recommencera sa danse.
– Fais comme moi, tais-toi, ne lui réponds pas. Sans quoi,
fils ou pas fils, je te punirais ! »
Léopold souffrait déjà d’un ulcère, était-ce bien la peine
d’en rajouter ? Mais alors, quelle stratégie adopter ? Elle me rattraperait
au tournant. Avec le nombre de manches de brosses
qu’elle m’avait cassés sur le dos, j’aurais pu monter un stock de
droguerie. Je pleurais si souvent que les miroirs avaient des
cernes. À l’école, où j’arrivais le plus souvent la tête décollée des
vertèbres, avec une gueule de carton bouilli et des valoches
énormes sous les orbites, j’étais montré du doigt. On m’appelait
le « jeune vieux ». Fallait trouver une solution, vite !
Quelques jours plus loin, je fis un rêve dans lequel m’était
enseignée l’arme totale : le laser du cœur : l’Amour ! Et puisqu’un
jour il faudrait tout de même se résoudre à aimer et que
l’amour serait plus fort que tout, à quoi servait-il d’y résister ?
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