Le Merblex

– Vous pouvez me répéter ça ?
– Rien, vous m’avez dit : « ne crânez pas », j’ai ajouté « au
monde », c’est tout.
– Bien. Qu’est-ce que c’est que ce livre, dites-moi ?
– C’est à moi m’sieur…
– Je sais, je l’ai découvert dans votre banc.
– C’est sur l’Égypte m’sieur, la traduction des obélisques…
« Frères, habitants de la lourde sphère, je suis l’hier,
l’aujourd’hui, le demain… »
– Dites-moi, est-ce que vous trouvez normal d’apprendre
l’égyptien en classe de français ? »
Ce Ménapien de prof’ne comprenait rien aux hiéroglyphes.
La langue sacrée, c’était pour les fous. Moi, je savais déjà les lire
et mes cahiers en étaient recouverts. Au reste, il y avait déjà un
bon moment que je préférais le ramasaesum à l’école communale
(Lycée sous Ramsès). J’étais peut-être « de trop au
monde », mais l’idée de devenir un usager comme les autres me
débectait. Je voulais bien y vivre dans leur monde, mais à condition
que ça ne fut ni l’envers, ni l’endroit de ce que j’en connaissais.
C’était aussi simple que ça. Fallait expliquer pourquoi
j’avais de si mauvaises notes à Léopold en fin de semaine. Heureusement,
pour lui, tout ça c’était du bergougnï. Et le dimanche,
il nous préparait quand même un matoufet.
Y nous fallait jamais longtemps pour galoper au lavabo, on
le sentait plus l’hiver. Après, y s’asseyait au coin du poêle et
nous chantait « Lili Marlène » en tirant des accords de la mandoline
qu’il avait ramenée d’Allemagne. Les coulées de sa voix
de baryton entraient dans nos crânes et pour un temps, nous
étions heureux. Léopold faisait toujours ses matoufets en douce
lorsqu’il était certain que personne ne pourrait espionner sa recette…
Une espèce de galette entre l’omelette soufflée et la
crêpe… avec plein de tendresse.
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