Le Merblex

si l’inspiration lui était venue en inhalant les vapeurs de cire,
elle concluait par une sentence :
« Ah non ça, crois-moi bien moucheron, plus tard tu ne
sauras pas sourire ! Et si tu ne me crois pas, dis-toi que c’est une
imbécile qui te le dit ! » martelait-elle derechef, se saoulant de
ses propres paroles.
Même si ma vie n’était pas écrite à l’avance, elle m’en faisait
douter. Et puisqu’elle m’avait « chié », n’était-elle pas la
mieux placée alors pour lire ce qui se précisait sur mon front ?
Contente d’elle, Clara regardait son Merblex comme elle eut
examiné une lithographie de supermarché, mesurant du regard
l’effet castrateur que produisaient ses paroles.
« Bon. Il fait ce que je lui ai dit continuait-elle, se parlant
machinalement à elle-même…
– Bon sang, pourquoi faut-il toujours que j’en arrive à employer
la force pour en tirer quelque chose… »
On touchait là le fond de son caractère, fallait toujours
qu’elle essaye de « tirer quelque chose » de ceux qui
l’approchaient, histoire d’alléger son fardeau, sans doute ? Et
recueillir quelques informations sur les véritables sentiments
qu’on lui portait… Son regard croisait le mien, je baissais le
front, jusqu’aux commissures des lèvres. Alors prise de soudains
remords, elle s’éprenait de ce petit corps à quatre pattes sous la
table et passait ainsi de la tyrannie à l’affection, de la honte à
l’indifférence, avec autant de vélocité qu’elle maniait le chiffon.
Elle avait un je-ne-sais-quoi d’emprunté dans le maintien, tout
comme si elle retenait un élan de tendresse… Puis, comme à
chaque fois elle finissait par se dire qu’elle n’avait pas à rougir
de son comportement, que la sensiblerie n’amène jamais rien de
bon… Puis, c’est bien connu, les enfants n’ont pas de mémoire.
Enfin, elle terminait sa pensée par une phrase de confort, qui lui
échappait des lèvres :
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