Le Merblex

des heures le sognâ (couard). Quand il sortit du mitard, il était
prêt à toutes les concessions.
« Voilà ce qui t’attend si tu suis l’exemple du Merblex, et tu
as intérêt à me dire tout ce qu’il mijote, sinon !
– Oui, m’man. »
C’est à cette époque que Phyl’commença sa carrière de profiteur,
multipliant les sournoiseries à mon égard, pour mieux vivoter
des largesses de Clara. La peur finit par rendre lâche
même les êtres qui vous sont liés par le sang. Lorsque nous
étions plus petits, Clara s’ingéniait à nous élever comme des
jumeaux. Nous étions toujours peignés et vêtus de façon identique,
même les voisins nous confondaient. Nous semblions
partis pour n’être jamais rivaux, mais égaux en tout. C’était sans
compter sur l’habileté de Grosse Nasse au maniement des concepts
zizaniques. Il n’y avait qu’à observer avec quelle science
elle s’employait à écarter mon cadet des causes qui lient si bien
des frères. Grosse Nasse ne se contentait pas de faire de Philippe
un hypocrite en flattant ses faiblesses, par l’excuse ou la
dispense de punition dont il devait équitablement hériter ; elle
le rendait étranger à mes peines et plus grave encore, à mes
joies. Or, ceux que le châtiment épargne ne sont pas plus reconnaissants
envers leurs maîtres que leurs victimes. Peut-être
même n’éprouvent-ils envers eux qu’un regain de mépris ?
« Qu’as-tu Merblex, mal aux dents ? Ca ne fait rien, ça
t’apprendra à faire enrager ta mère… Qu’as-tu Philippe, un bobo
? Viens, mon petit, maman va te guérir. Et si ton frère
t’embête, viens me le dire, il aura affaire à moi. »
Mon frère tomba le masque derrière lequel se cachait le visage
de Seth. Clara était désormais tenue au courant de mes
moindres faits et gestes (Seth : équivalent de Caïn, Judas.).
Je vivais en liberté surveillée. Méfiance… y cafardait sec le
bougre ! Lorsque je bouclais une journée sans qu’aucune sanction
ne se soit abattue sur moi, il me semblait toujours qu’il me
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