Le Merblex

sans négocier, parce qu’elle lui a été donnée. Alors seulement
l’homme peut construire sa totalité. Tu comprends ? »
Les murs de ma chambre étaient peints à la chaux et le lit
que j’occupais ressemblait comme un frère à celui de Toutankhamon.
Je m’allongeais sous la couverture de laine et je me
laissais glisser vers le sommeil, tandis qu’une musique orientale
montait de la rue encore animée. L’ombre d’Osiris, projetée sur
le mur du corridor par la flamme de la lampe à huile, dansait au
rythme de mes pensées.
Comment F. Kashnoùb allait-il s’y prendre pour faire de
moi « un Maître de la mort » ? Il n’allait tout de même pas me
découper en morceaux avant de tout recoller ? J’avais quand
même les jetons, moi, n’empêche. Et s’il fallait attendre que Cécile
parcoure le monde pour rassembler mes membres, je pouvais
encore poireauter.
Tôt le matin, Farid vint m’éveiller en m’offrant une galabieh
qui m’éviterait d’être constamment la proie des chasseurs
de touristes, déjà à pieds d’œuvre dans la ville. Sur la table du
séjour, une petite cafetière en cuivre rouge m’attendait ; nous
avons bu en silence, puis nous sommes sortis.
« Good, good mister, me dit un marchand de pains au semsem,
en me voyant vêtu à la mode Orientale. » Farid sourit à son
tour et partit devant en croquant sa galette. Arrivé dans un garage,
il enfourcha sa Vespa, me fit signe de prendre place à
l’arrière et mit les gaz pour une destination inconnue.
Nous arrivâmes dans un petit village de la banlieue du
Caire, Farid gara sa moto à l’ombre d’un figuier, puis il me précéda
sur un chemin en pente. En bas, nous trouvâmes un bassin
taillé dans le roc autour duquel se trouvaient des femmes qui lavaient
leur linge. Farid s’assit au bord et je l’imitai. Puis, après
avoir gardé le silence quelques instants, il dit :
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