Le Merblex

« La Maât est avec nous, commençons… Nous allons jouer
ensemble Henri. Connais que je suis un Mâakhérou, je vais dire
pour toi la Maât, et faire la Maât, parce qu’elle est en moi et je
veux qu’elle entre en toi aussi.
– C’est dingue, ça veut dire quoi ?
– Un Maâkhérou est un Juste de voix, un justifié. Un fils de
Maât, quelqu’un qui dit la vérité, et fait la justice, tu comprends
? Veux-tu toujours devenir Fils de Rê et Maître de la
mort ?
– Oui.
– Alors, connais que tu dois retourner dans le ventre de ta
mère, mais tu dois, comme ça, d’abord traverser l’océan primordial
! Si tu réussis, tu seras comme le premier limon terrestre
et tu recommenceras ta vie, car tu seras comme un petit
enfant. Alors, tu recevras dans tes narines le souffle vital. Veuxtu
jouer à ce jeu mon fils ?
– Oui.
– Alors ne crains pas, conclut-il en roulant les « r » comme
il en avait coutume. »
J’appréhendais un peu, mais l’attitude de mon ami inspirant
le respect, je me gardais bien de le contredire. Il se leva et
entreprit de se défaire de ses vêtements. D’un signe de tête, il
m’intima de suivre son exemple. Des protestations, puis des cris
s’élevèrent du côté des femmes qui se mirent à détaler en direction
des habitations, en se voilant la face. Sans rien dire, Farid
Khasnoûb me banda les yeux, m’attacha les mains derrière le
dos, au moyen de son foulard, puis, il me conduisit à l’endroit
où le sol descendait en pente douce sous les eaux du bassin.
« Tu seras Fils du Soleil, bockra inch’Allah dit-il. Allez,
sauve ta vie, ordonna-t-il en me poussant vers l’avant du plat de
la main. »
Je me mis à pomper comme un crapaud de toutes mes
jambes, droit devant moi, tous les sens en éveil.
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