Le Merblex

Maître m’avait donné, mais cela n’empêchait pas les « bond’jou
disse-ti… tu sauras jamais sourire… je suis sûre que s’en est
une »… et autres merblexeries de se décalquer dans ma tête. Les
coups de martinet se mirent à pleuvoir… Je revoyais la gueule
de la Bouche, crapahutant pour m’alpaguer… tout ça parce
qu’elle n’était pas devenue chanteuse d’opéra… Qu’est-ce que j’y
pouvais moi ? Mon père, je le voyais mieux dans la peau d’un
garde-forestier, aussi… J’en chialais moi. Mon poil se hérissait
de partout tellement j’avais les chocottes… Il me fallut un certain
temps pour m’apercevoir que Farid me tournait autour
comme un sapajou, en me jetant des poignées de sable sur les
jambes.
« Ouf ti !
– Occupe tes mains ! »
À mesure qu’il tournait, Khasnoûb proférait des incantations,
tantôt en français, tantôt en arabe, disputant aux puissances
occultes un pouvoir. Il haussait de plus en plus le ton
l’animal, jusqu’à ce que ses paroles ressemblent à un rugissement.
Les mots qu’il proférait éclataient en déflagrations
sourdes dans mon crâne, qui me semblait s’être détaché de mes
os et planer comme une bulle au-dessus de moi.
« Ô Maât, respirez l’odeur de cet homme, vous verrez qu’il
est vie, son nom est Henri ! Sa poitrine a été lavée, sa langue a
été trempée dans le miel. Il est capable de grandes métamorphoses.
Il n’a jamais violé l’ordonnance des temps. En vérité,
Seth ne peut rien contre lui. Je peux témoigner qu’il est sorti
victorieux de l’océan primordial. Ô Maât, choisis-le, car c’est un
pur. Henri ! La Maât, une fois de plus, va éprouver ton cœur.
Es-tu prêt ?
– Ben, oui, je crois…
– Avec l’aide de Maât, nous allons brûler ton bois mort.
Brûler tout l’ancien… Je dis la Maât, je fais la Maât, je suis la
Maât.
– Ouf ti ! »
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