Le Merblex

ment, elle m’instruisit des cabrioles adultérines auxquelles jadis
s’était livré mon père. J’eus même droit aux épisodes d’avant
que je prenne possession de la Maison-de-Vie qu’ils m’avaient
fabriquée par inadvertance.
« Voilà, ponctua-t-elle, maintenant tu sais tout sur ton
père. Après tout, tu es l’aîné, tu es grand, tu as le droit de savoir.
Ha ! si tu savais ce qu’il m’en a fait voir. Si tu savais ce que j’ai
pu pleurer à cause de lui, mon Dieu… »
Léopold, si peu prolixe d’ordinaire, parlait encore moins.
Tout marchait au poil, nous pouvions rentrer et sortir à volonté,
déchirer nos culottes et aller au cinéma le dimanche, mon frère
et moi. Nous étions transparents. Clara supportait si mal la
pression qu’elle souhaitait parfois en finir. Elle avait commencé
par se passer les nerfs sur les ustensiles du ménage, puis sur bichon
qu’elle congédia. On la sentait prête à tout avouer, mais à
chaque fois, l’expert lui remontait le moral au bigophone…
« Allô ? Tiens le coup, Grosse Nasse de mon cœur, bientôt
nous nous envolerons pour Batanate, allô ? Nous partirons rien
que nous deux, en amoureux, en Patagonie. Youhoû ! Je
t’emmènerai à l’opéra de Vienne, on visitera Chonne Brâwnne,
au bord du beau Danube bleu, si si… heu-reux, allô.. ?
– Si seulement c’était vrai tout ça, murmurait-elle en raccrochant
le téléphone… Qu’est-ce tu fais là, l’œil d’Horus ? Encore
en train de m’épier ! D’ailleurs c’est de ta faute larmoyaitelle,
en me regardant les yeux pleins de flammes. Si tu n’avais
pas été là, jamais je n’aurais épousé ton père ! »
Jamais on ne l’avait vue aussi tourmentée. Si elle avait assisté
à un match de rugby, sans doute aurait-elle quitté le stade
dès la première mêlée, persuadée que l’on médisait d’elle. Elle
s’arrêtait de bouger, de respirer même, guettait d’éventuels
bruits de pas, sondait le fond de l’air, scrutait l’invisible de ses
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