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Le Merblex

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Moi je ne pensais qu’à rentrer. J’avais la fringale de « raccrocher<br />

les bouées » avec Cécile… j’étais sûr de la reprendre.<br />

« Bé t’en fais une bobine, fit Mathéo en voyant ma mine<br />

angoissée. Ca te plaît pas de partir en croisière pour l’Égypte ?<br />

L’Égypte ! La vraie Égypte ?<br />

Pourquoi, t’en connais plusieurs ? »<br />

J’enrôlais sur « L’Étoile d’Orient », un cargo affrété par un<br />

groupe de filatures du nord, qui convoyait des cargaisons de coton.<br />

Je partais sans bagages, mais j’avais sur moi la lettre que<br />

Just-Phaeton-Ems m’avait chargé de remettre à Farid Khasnoûb.<br />

<strong>Le</strong> destin avait décidé pour moi. Inch Allah. <strong>Le</strong> rêve de ma<br />

vie allait s’accomplir. S’il n’y avait eu un Farid Khasnoûb à<br />

l’autre bout du monde, sans doute n’aurais-je pas eu la force<br />

d’arracher Cécile de ma tête ? Maintenant que les mers<br />

s’étendaient entre nous, j’allais mieux. Ma souffrance s’était<br />

d’abord muée en résignation, puis s’envola, comme une petite<br />

fumée entre les fibres de mon cœur devenu poreux comme un<br />

bloc de lave refroidie. De plus, quand on connaissait la résistance<br />

de Clara, on pouvait se demander si elle m’aurait laissé<br />

repartir.<br />

L’Étoile d’Orient était un cargo de moindre tonnage que le<br />

précédent. <strong>Le</strong> poste de pilotage installé à l’arrière indiquait qu’il<br />

était un tangueur, contrairement au mien qui roulait. Cette<br />

simple différence suffit à me réjouir, tout changement apporté à<br />

l’ordinaire des choses constituant pour moi une rareté et me<br />

procurant un contentement nouveau. J’aimais passionnément<br />

cette vie de mes dix-sept ans, dont chaque minute était une<br />

émotion. J’allais à la proue du bac, là où le bastingage prend la<br />

forme d’un chausse-pied et les bras tendus d’un bord à l’autre,<br />

j’appuyais le tangage. Je me laissais gifler par la mer pour toutes<br />

les fois où ma mère m’avait giflé et chaque tour d’hélice remontait<br />

les ressorts de ma joie. J’étais capitaine moi, de ma vie encore…<br />

Je les explosais les vagues, avec grand artifice. J’avalais la<br />

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