Le Merblex

l’entendre : ding dingue ding… Et si ça ne suffisait pas, grandmère
apparaissait sur le perron pour précipiter les événements :
« À table les enfants ! La cocotte va refroidir ! »
On en croquait une tous les dimanches. La cloche sonnait
l’heure du cacao et du cramique (brioche aux raisins) qui nous
faisait passer le goût du pain karmique. Les Merblex accouraient
avec leurs arbalètes et de la poussière plein leurs sandales
puis se régalaient, en se demandant si le poulet au chocolat
n’aurait pas fait une bonne recette.
Le soir, quand elle dénouait son chignon, c’était l’ancienne
histoire de sa jeunesse que grand-mère étalait sous nos yeux ;
rien à voir avec nos exploits de la journée. Comme un signal,
c’était… On mesurait son scalp en silence, puis allez, au lit, fallait
! Elle venait nous border suivie de petits chats en pyjamas,
toujours à sourire, c’est des vrais câlins alors qu’on avait.
Chez nous, fallait se laver à l’évier de la cuisine. Chez mamie,
y avait deux salles de bains. Phyl’et moi, nous adorions y
clapoter. On était sûrs d’y avoir droit quand nous avions passé
l’après-midi dans la porcherie de la ferme voisine à ficher des
grands coups de pieds au cul des cochons. Plus ils couinaient,
plus ça nous excitait, nous. On en avait mal aux panards tellement
on leur bottait le lard, mais fallait bien qu’on leur apprenne
la propreté à ces porcs.
Le dimanche, nos oncles musiciens, qui avaient formé un
« boys band », répétaient leur répertoire au milieu du salon. On
se serait crus à la Nouvelle Orléans. Grand-mère avait autrefois
été bonne violoniste, y paraît. Mais depuis la disparition de Corsione,
elle ne pratiquait plus que la cuisine.
Malgré la rudesse de son caractère, la « reine mère » avait
envers nous des patiences que n’avaient pas connu ses propres
rejetons : j’appris bien plus tard comment elle avait fait jouer à
Clara le rôle de Cosette… Grand-mère réussissait avec nous là
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