Le Merblex

ma position, car pour la première fois, je goûtais à la vie d’un
Merblex de sang royal.
La chambre que j’occupais comprenait deux lits, bientôt on
y installa un autre adolescent. Il s’appelait Régis Gandibleu et
portait à la tête un bandage semblable au mien, couvrant une
blessure occasionnée par une chute de cheval.
Régis était vêtu d’un pyjama en satiné, sur la poche duquel
étaient brodées ses initiales. Rien à voir avec le mien, en pilou,
déjà rétréci au lavage. C’était un potchâ celui-là ! (qui a du pot).
Régis, c’était le genre « mention très bien », qui a hérité d’un futur
calibré d’avance, avec réserves de combustibles et tout. À
tous les coups, y vivait dans un de ces palaces de Thèbes ou de
Louxor gardé par deux rangées de lions de granit. Si ça ne
s’appelait pas être tombé dans la crème ça ? C’est bien simple, il
était à l’hôtel et moi, à l’hosto.
Une infirmière en blouse rose, avec sa tête de coléoptère
entra, masculine et machinale, claquant la porte à toute volée.
« Bonjour Monsieur Régis, fit-elle en partageant en deux
comme un petit-beurre son premier sourire publicitaire de la
journée. Elle m’assura une nouvelle fois qu’on m’avait laissé
mon œil. Mais je n’avais aucune confiance dans le langage
d’hôpital où l’on passe le temps à s’entendre dire que tout va
bien, uniquement parce qu’il ne se trouve dans aucun lit personne
de tout à fait entier.
– Vivement la quille grommela Régis.
– Vous n’aurez pas à faire le mur, vous sortez dimanche,
répliqua la seringue, avec en filigrane la vision du Roi des Belges
imprimé sur les petits billets de cent francs, qui lui seraient glissés…
– Pouâh ! Vendredi, le sacro-saint jour du poisson, protesta
Régis en regardant le calendrier.
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