Le Merblex

seau d’espionnage de la planète. Y savaient tout, sur tout le
monde, partout les curés ! En fait d’hosties, j’attendais avec bien
plus d’espérance celles bourrées d’acide citrique, que l’on pouvait
acheter le samedi après-midi dans les bonbonnières du village
voisin. On se concoctait de petits cocktails à droguer les
hannetons qui nous permettaient de roter bruyamment au dortoir.
Nous avions tout de même intérêt à filer doux avec les
« cornettes ». Elles distribuaient les Pater et les Ave avec célérité,
si bien qu’à la fin du compte, la prière faisait figure de pensum.
Pendant la messe, en plein credo, j’avais quand même matière
à me divertir les neurones… Suffisait d’admirer la ronde
folle des serpentins multicolores s’échappant de la caboche de
mes petits camarades. Ca me la coupait moi aussi, faut pas
croire… Des espèces de serpentins coruscants vibraient dans
l’atmosphère de la chapelle, exécutant des figures fluorescentes.
Ils s’élevaient comme des lignes magiques, avant de continuer
leur voyage à l’extérieur des murs, sûrement qu’ils montaient au
ciel. D’autres, au contraire, retombaient en pluie diaphane et se
désintégraient au-dessus de l’assistance. Les plus phosphorescents
glissaient dans les airs comme sur la surface d’un lac ou
clignotaient avant de s’emmêler nerveusement pour former des
nœuds. Très tôt donc, je me rendis à l’évidence que les prières
pouvaient être des forces extrêmement bienfaisantes ou dangereuses,
selon l’usage que l’on faisait de nos pensées créatrices. À
chaque office, j’assistais béat aux batailles magnétiques de nos
prières ennemies. Qui alors aurait soupçonné, en observant
mon air de Merblex recueilli, à quels prodiges luminescents
j’assistais dans cette chapelle ? Mes visions me donnaient bien à
réfléchir et peignaient sur mon visage un air assez mystérieux,
faut dire. Je demeurais dans l’œil d’Horus ! C’était mon secret.
Le seul personnage que mes airs d’illuminé ne trompaient
pas était Rinquin. Il avait deviné que quelque chose se tramait.
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