Le Merblex

j’en vins à considérer définitivement mon enveloppe charnelle
comme une Maison-de-Vie. J’avais découvert ce terme dans une
de mes lectures et je trouvais que les anciens Égyptiens nous
avaient devancés en bien des sciences, car cette image expliquait
tout à fait clairement ce que je ressentais.
Plusieurs fois par semaine, Just-Phaeton-Ems venait
prendre un porto à la taverne. Tout le monde trouvait inquiétant
ce personnage qui buvait moins que les habitués. Pourtant
lui ne s’inquiétait jamais de personne. Son comportement plus
noble que la moyenne, d’emblée, faisait de lui un être à part.
Just-Phaeton-Ems m’était sympathique. Il avait le visage clair et
magnétique, c’était un homme savant et attachant dont la rencontre
compta pour moi plus qu’un trésor. Notre amitié commença
un soir où il prit ma défense contre un Occidental plein
de bière, trop content d’avoir trouvé une oreille fraîche pour entendre
ses doctrines.
« Baise les toutes ! Baise les toutes mon p’tit gars, le cul, y’a
qu’ça d’vrai, prêchait l’usager.
– Baissez le ton et détruisez-vous tout seul Monsieur, lui
asséna Phaéton. »
L’autre alla se poser comme un petit tas de cendres sur la
banquette du fond et ne broncha plus. Just resta jusqu’à la fermeture
et me dévoila sa vie. Ex-commandant de la marine marchande,
il avait pendant vingt ans sillonné la route des Indes :
Tunis, Tripoli, Malte, Alexandrie, Port Saïd, Djibouti, Ceylan,
Madras… Il avait fait escale dans tous les pays bleus que comptait
le monde. Just Ems était son véritable nom, Phaéton était
un pseudonyme.
« L’homme est un être de lumière disait-il, un fils du soleil,
voilà pourquoi j’ai choisi ce nom. »
Just se définissait comme un citoyen du monde, « made in
fraternité », sans port d’attache ici-bas. Il ne naviguait plus, il
vivait de sa retraite d’officier. Après avoir connu les étendues
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