Le Merblex

– Je peux avoir la tête ? questionna Philippe.
Devant l’hésitation de Léopold, Clara prit la décision…
– Tiens, je te la donne, c’est toujours ton aîné qui la mangeait,
maintenant c’est pour toi, dit-elle en tenant Léopold à
l’œil.
Philippe tendit son assiette et s’attaqua aussitôt au morceau,
comme pour prendre sa revanche.
– Les cercueils en laqué étaient beaux, mais un peu trop
chers, dommage… minauda Clara.
– Ca ne fait rien, le sien est bien quand même, répondit
Léopold.
– Faudrait qu’on lui rajoute un peu de dorures, dit Phyl’…
– Ma parole, vous déraillez s’exclama Clara.
– Mais non, repartit Philippe, on essaye juste de lui faire
un bel enterrement… comme dans l’histoire d’Osiris qu’il racontait
toujours… D’ailleurs, si on avait les moyens, on ferait venir
des pleureuses, des joueurs de sistres… et des moines chauves.
– Pourquoi pas l’enterrer au Caire, pendant que vous y
êtes ? glapit Clara.
– Ben tu vois, quand tu veux, toi aussi tu sais plaisanter…
souligna Léopold…
– Je vois déjà la tête du curé en train de bénir les vases canopes…
ajouta Philippe. »
Puis, ils replongeaient ensemble leurs regards dilatés dans
le puits sans fond de leurs mémoires, épiant le moindre bruit,
cherchant un signe surnaturel, une promesse de vie peut-être ?
Léopold regardait fixement mes souliers vides. Il se baissa,
prit une chaussure, comme une gaufre encore chaude et la porta
à son visage, pour la respirer en soliloquant.
Le jour de l’enterrement, en attendant que l’on m’emmène
à la « Cité-des-Beautés », Clara arrangeait les fleurs comme
– 311 –