Le Merblex

une véritable fascination et suscitait notre plus grande admiration.
Il faisait l’effet d’un saint marginal, mais qui n’aurait jamais
sa statue dans les temples. C’était une éminence grise,
comme on dit, l’Aelo des désespérés et, à son contact, on se sentait
devenir meilleur. Il n’acceptait jamais le modeste argent que
nous lui proposions, c’était « contraire à sa foi » disait-il, et prétendait
qu’il perdrait ses dons s’il les monnayait.
« Pourquoi Augustin… C’est quoi la cause ? implorait Clara,
qui voulait comprendre.
– Voyez-vous chère Clara, nos pieds sont en contact permanent
avec ce que l’on appelle les « courants telluriques ». Ils
apportent à notre corps certaines énergies dont nous avons besoin…
et ils absorbent les fluides psychiques usés dont nous
n’avons plus besoin… Quand vous vous énervez, votre corps fabrique
des parasites qui empêchent d’établir cette communication
et le renouvellement de vos énergies… Alors les fluides polluent
tout… Vous captez ? C’est pour cela que votre pied ne cicatrise
pas. »
Clara concevait parfaitement que les poisons psychiques
infectent les parties les plus vulnérables du corps. Ainsi, acceptait-elle
l’idée que ses pieds étaient des prises de terre.
« Augustin, dis-nous ton secret ? Explique-nous ton truc,
l’interrogions-nous ?
– Il n’y a pas de truc, disait-il. Donnez l’amour, c’est tout.
La folie, la maladie, c’est la force d’aimer qui tourne en circuit
fermé dans le corps et qui ne trouve pas d’issue. »
Enfin pour offrir à notre curiosité dévorante de quoi se repaître,
Augustin consentit un soir à faire devant nous une
séance d’hypnose. Pour se livrer à son expérience, il lui fallait un
médium. Maman était le personnage tout désigné à cet effet.
Elle se fit un peu prier, comme une diva à qui l’on demande
d’entonner son dernier succès, mais elle accepta. On poussa la
table dans un coin de la salle à manger et le spectacle commen-
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