Le Merblex

gant de crin. Elle ne frottait pas, elle me ravinait le corps. Après
ce traitement, ma peau se couvrait d’urticaire dont les cloques
mettaient une heure à disparaître. Un jour, pour échapper au
bain, je m’enfuis tout nu, sur la corniche de l’immeuble où j’ai
cornichonné un bon moment, n’acceptant de revenir que lorsque
la Bouche m’eut juré qu’elle renonçait à me nettoyer.
J’aimais grimper sur le toit. Cela devint une sorte de rituel
que j’observais régulièrement, au lever ou au coucher du soleil.
On me cherchait dans toute la maison, mais je ne bronchais pas,
moi. Je contemplais le disque solaire apparaître à l’Orient ou
disparaître à l’Occident derrière les pyramides que sont les terrils
du pays minier.
Quand je n’étais pas occupé par la contemplation d’Amon,
je m’amusais à parachuter Moustiket jusque dans la cour. Mais
les chats ne sont pas dingues, ils savent quand on veut les faire
sauter en parachute, et on n’arrive plus à les attraper. Trois
étages, c’est pourtant pas haut, sauf évidemment quand c’est le
parachute qui saute en chat ! C’est moi qui cornichonnais sur le
toit et c’est Clara qui avait le vertige ! C’était pas sa faute, elle
voyait toujours tout en noir. Un jour, elle a même cru que je
voulais noyer Philippe, alors que je l’aidais juste à mesurer la
profondeur de la citerne d’eau de pluie.
À partir de ce moment-là, la Bouche se mit à parler de plus
en plus de « dépression », en nous lorgnant Phyl’ et moi,
comme deux monstres épouvantables. La lassitude la gagnait
dès le matin et, jusqu’au soir, lamentablement, elle se traînait,
sauf dans les cas où quelque chose la faisait « bondir ».
La susceptibilité était chez elle le détonateur d’un formidable
réservoir d’énergie, lui permettant tout à la fois de montrer
à l’entourage qu’elle était un esprit digne.
« Attention, je vais bondir ! »
Cet avertissement prêtait plus à sourire qu’à décourager,
mais…
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