Le Merblex

Pour gagner quoi, hein ? Archéologue… manquerait plus que
ça ! »
Certes, les Occidentaux pouvaient installer la télévision et
le téléphone dans leurs tombeaux, mais je préférais les fresques
antiques, moi. Quelque chose me disait qu’un jour j’irai fouiller
la Vallée des Rois, comme attiré dans une vie d’autrefois… Sans
doute étais-je impatient de creuser le passé pour donner du sens
à mon futur. Mais d’abord, « gagner ma vie » fallait…
D’ailleurs pourquoi faut-il gagner sa vie, puisque la vie
nous est donnée ? On peut perdre la vie à la guerre par exemple,
mais la gagner ? C’était absurde… Il « faut » ceci, il « faut » cela…
Dire « il faut » n’était-ce pas déjà agir dans la contrainte ?
Aller à l’encontre de ce qu’il y avait en moi d’inné ?
Dans la comédie du bonheur, plusieurs sortes d’acteurs occupaient
la scène : ceux qui rêvaient de gagner leur vie, ceux qui
essayaient de gagner leur vie, ceux qui la gagnaient, ceux qui
l’avaient gagnée et ceux qui l’avaient perdue.
Les plus ambitieux faisaient « du commercial » ; ils surgissaient
tout échevelés dans les lieux publics, déguisés en contacts
humains visiblement stressés par la vie qu’ils menaient qui les
obligeait à courir d’un bureau à l’autre, la tête pleine de
chiffres… pestant dans les files d’attente.
Le « commercial », doctrine nouvellement apparue, gagnait
les esprits comme une fièvre et faisait saliver tous les prédateurs
en herbe. Le terme « commercial » était le sésame qu’il
fallait connaître pour avancer dans l’existence. Aux yeux de la
société, les êtres comme les choses dorénavant devaient être
« commerciales » pour avoir une valeur. Il suffisait qu’une
chose soit belle ou originale pour que l’on diagnostique aussitôt
que cela « ne marcherait pas », parce que ça n’était « pas commercial
» et qu’il était « risqué » de s’en préoccuper et urgent de
s’en débarrasser ! Cette logique n’avait d’autre fonction que
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