Le Merblex

Cela ne rata pas. Kaput les week-ends à la campagne ! Léopold
avait dérapé en plein dans un virage.
« Ma p’tite auto… Il a démoli ma p’tite auto ! Mes p’tits
z’enfants, on n’a plus de p’tite auto. (Tout était petit ce matinlà),
mon p’tit capital… Et toutes ces années d’efforts perdues…
Démolie, il l’a démolie… »
Pour le coup, la tribu connut quelques dimanches dont elle
ne put briser la monotonie qu’en déclenchant quelques orages.
On y avait pris goût aux joies du volant, Clara en tête. Elle fit les
comptes et l’on reprit bientôt la route enchantée.
« Hé, roule sans zigzag hein Léopold, on est en rodage ; tu
vas encore valser dans le décor ! N’oublie pas que tu nous as
coûté un os avec ton dérapage, rappelait Clara en prenant place
dans la Dauphine qui sentait encore l’huile de coude fraîche. »
C’qui veut, trop content de pouvoir à nouveau rouler en bagnole
comme un homme, mettait la pédale douce en s’abstenant
de commentaire. Hormis la pêche, il avait cette autre passion
d’aller surprendre le gibier dans les forêts ardennaises. Quand il
nous y emmenait, gare à celui qui faisait craquer une branche
sous sa bottine. Il fallait pour l’accompagner, être impeccable
comme des guerriers, spécialement quand nous allions aux
biches. À cet effet, il nous avait appris à contrôler nos moindres
mouvements et à marcher contre le vent, en tenant à la main un
chiffon imprégné de graisse animale. C’était un homme qui sentait
bon la résine de pin et qui savait d’un sourire faire rayonner
la lumière de son sphinx intérieur.
« Attention un geai ! L’ennemi du chasseur ! S’il nous voit,
il va ameuter toute la forêt… Ca y’est, là, regardez, des biches ! »
La sève du contentement lui montait au visage et l’allumait
comme une kermesse. Puis, il nous faisait admirer les biches,
SES biches...
« Les voyez-vous ?
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