Le Merblex

la barre contre un droit de cuissage, en guise de taxe maritime.
C’est donc précédé de sa réputation du premier commissaire, du
premier maître d’hôtel, du premier chef de cuisine et du chef de
quart, que ce « grand inabordable » fit son entrée. Tout
l’équipage se leva comme un seul homme et se tint au garde-àvous,
contre le roulis, jusqu’à la fin du rapport.
« Messieurs, la gravité des événements de cette nuit m’ont
conduit à prendre des mesures exceptionnelles, n’est-ce pas… Il
s’agit, bien entendu, d’un regrettable accident, n’est-ce pas…
Inadmissible à mon bord ! L’équipage sera entièrement dérôlé
au retour à Anvers et ne sera pas enrôlé au prochain voyage. Je
risque moi-même d’être destitué de mon commandement, martelait-il.
Maintenant, vous allez tous faire une déposition n’estce
pas… sur votre emploi du temps de cette nuit. Vos responsables
vont maintenant vous faire la lecture des mesures dont je
parlais tout à l’heure.
– Primo, commença le premier Maître d’hôtel, les passagers
doivent être tenus à l’écart de toute information concernant
cet accident. Secundo, il y a suppression des rations de bière et
d’alcool à tout l’équipage. Aux escales, réduction des heures
supplémentaires et réduction des distributions de « laissezpasser
», sauf pour les derniers enrôlés. Tertio, la loi maritime
prévue en pareilles circonstances sera appliquée, à savoir : la
consignation du ou des navigants sur lesquels se porteront les
présomptions. »
La liste était longue, mais on échappait aux représailles
nous autres, les bleus, ça c’était une nouvelle. Et moi, je buvais
pas, alors…
Le bac glissait dans la rade de Lobito. Le fond de l’air était
parfumé de senteurs de goyave, si on en croyait nos narines…
Ouf ti ! On apercevait les premiers cocotiers des côtes angolaises
arrosées de soleil. Tout le bord était collé aux hublots, sauf le
petit cuistot, raide mort au milieu des surgelés. Y reniflait plus
rien, lui. J’arrivais même pas à me remémorer sa binette. Le
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