Le Merblex

ger. On me trouvait bizarre… Mais je connaissais qu’en définitive,
la Maât triompherait pour tout couronner de chance et de
félicité. Je pressentais que si tous les hommes pouvaient être
différents, seul les Merblex étaient uniques. Je savais que Dieu
choisissait parmi notre espèce, ceux dont IL fait ses élus, ses
prophètes et ses pharaons. C’est pour cela que j’avais ma fierté,
la fierté d’avoir pris sur la gueule, de savoir pardonner. Mais
cette fierté-là, ni les fats, ni les humbles ne la toléraient. J’avais
la rage d’apprendre, de connaître et la volonté de creuser le ciel
en vue d’être unique. Vivre idiot, jamais ! Or, en cherchant à
m’élever, je vouais en même temps ma personne à cet éloignement
moral dans lequel si longtemps j’avais vécu, en cette traversée
cousue de dialogues intérieurs et d’archéologie ininterrompus.
Je n’étais qu’un petit scribe, un prétendant sans prétention,
mais je voyais dans l’horizon ainsi qu’Horus. Ma lucidité nouvelle
me faisait mesurer la dimension dans laquelle désormais,
il me faudrait progresser sans fléchir. La voie de Maât était
claire. À présent, j’étais responsable et mon chemin serait celui
des sans-excuse.
Nous savions Farid Khasnoûb et moi, que nous vivions nos
derniers instants de compagnie. Cette idée m’était cruelle et
j’attendais à tout moment qu’un signe me le confirme. Il ne laissait
rien paraître de ses sentiments, mais il était trop sensible
pour me voir partir sans un pincement au cœur. Nous prolongions
ces instants de fraternité intense, qui provoquaient dans
le plexus un plaisir à la limite de la gêne. Plus que son sang,
mon Maître m’avait transmis sa connaissance et converti à
l’Orient. Désormais, mon cœur resterait ouvert à cette page,
quelle que fût la critique qu’il dût essuyer.
Je croyais que F. Khasnoûb parlerait de mon départ, mais
rien du tout, des clous. Il se leva, je le suivis à l’endroit où était
garée sa vespa. Quand il stoppa devant son immeuble, il
n’arrêta pas le moteur. Je montai dire au revoir à Dzita et pris
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