Le Merblex

« Debout les morts ! Le « bonheur », ne s’obtient pas par
la pitié ! Attachez-vous à n’avoir aucun motif d’être jamais pris
en pitié ! Ou alors c’est la fin ! Attachez-vous à être toujours au
sommet de vous-même ! Soyez-vous même des sauveurs ! Je ne
suis pas non plus revenu par bonté ! La bonté, c’est ce qui n’est
plus bon ! C’est la tiédeur ! Debout les morts ! Taillez votre
vigne ! Que ce qui est mort meure ! Que ce qui est vivant
vive ! »
Ouais, parce que c’est un dur le p’tit Jésus, que je dis moi…
un caïd ! Un qui en a ! Un qui s’est sacrifié pour le bonheur des
hommes ! Fallait les avoir bien accrochées pour se laisser clouer
sans moufter. Voilà ce que j’en pensais, moi, des dispensateurs
de pitié. Ces gens-là s’inventaient un Christ de piètre dimension…
un pur produit de méditations profanes… Suffisait de voir
les serpentins de leurs prières malingres retomber en clette sur
les dalles de la nef. Je ne regrettais pas d’avoir signé avec Osiris,
finalement. Je l’avais pour moi tout seul ce dieu-là, on risquait
pas de me l’empoisonner !
Maman avait tant à faire avec son « Aigle Noir » que nous
en profitions pour prendre nos distances. Sans doute cette attitude
n’était-elle pas étrangère au fait qu’à cette époque, elle
s’était fait décolorer les cheveux pour « faire moderne », comme
elle disait… Pour le coup, je ne conservais d’elle en mémoire
qu’une image décapée. C’était quelqu’un d’autre.
J’étais devenu si indépendant que je sortais, rentrais, me
couchais, me levais, sans bonjour ni bonsoir.
« Alors, on ne dit plus bonsoir à sa mère ? »
Ce geste commandé représentait pour moi l’humiliation
suprême. Quand je m’étais acquitté du baiser 100 % polyamide
que la Bouche réclamait, elle arborait aussitôt un sourire triomphant,
rallumant ainsi le souvenir d’anciennes discordes. Elle
ajoutait alors, l’œil brillant de malice :
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