Le Merblex

Je me sentais rechargé au physique comme au mental.
C’est donc à la manière d’un immigré céleste débarquant de sa
capsule que je retrouvais le monde biologique. Et le monde
m’apparut aussi nouveau que j’étais nouveau pour le monde.
Quelques minutes plus tard, assis à une terrasse devant un
masbout, nous regardions s’affairer et gesticuler les acteurs de
Gizeh, qui avaient choisi ce plateau pour théâtre.
Toute chose rayonnait. La terre semblait en fusion, chaque
pierre, chaque arbre, chaque grain de sable diffusaient des
rayons. Dans la création, les pierres sont des braises, les chameaux
de grosses lucioles, les arbres sont des torches et les
hommes, des phares.
Les touristes recommençaient à pulluler sur le plateau, en
route vers une fausse Amenti. Je me sentis pris de compassion
pour ces usagers venus des quatre coins de la planète, comme
on se rend à Disneyland. Ils faisaient la queue pour acheter
leurs billets de visiteurs, mais pour la plupart, Kheops ne serait
jamais qu’un logo géant dans un espace publicitaire, à la mesure
de leur infantilisme. Après la visite, ils quitteraient la Cité-des-
Beautés pour mieux retourner « loisir dans la tiédeur », au fond
des tombes du bonheur Occidental. Quel dépliant touristique
leur conterait jamais l’extraordinaire odyssée qu’avait été la
mienne cette nuit-là ? Quel guide leur dirait pourquoi Kheops se
nomme la « Lumineuse » ? Et quel symbole, mieux que celui
d’une sphère astrale s’élevant à son faîte, leur enseignerait
l’endroit du corps vers lequel l’homme doit élever sa conscience
?
J’avais connu leurs tracas, pas un ne m’avait été épargné.
Nous avions emprunté les mêmes couloirs fléchés et voyagé
dans les mêmes trains cafardeux. C’est pourquoi je m’avisais de
raisonner de la sorte moi, le Maâkhérou – Fils de Lumière – Fils
de Rê, de Râ ou de tout ce que l’on voudra… Pendant toutes ces
années, coiffé du némès, avec mon déo-feeling, déjà miraculé,
souvent miraculeux, j’acceptais de me taire, pour ne pas déran-
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