Le Merblex

« T’as vu ? me demanda-t-il en allongeant le bras dans ma
direction.
– J’en ai rien à cirer, l’or de Touthankamon, oui ça c’est de
l’or ! si tu le sais pas encore…
– Ah oui, yes of course, je note. »
À mon dernier jour d’hôpital, mon petit Seth de frère me
rendit visite. Il m’adressa un bonjour coupable en s’avançant le
front baissé.
« Pardon Henri.
– Laisse tomber, c’est un accident, ça arrive… »
J’avais beau me jeter sur la gazette, je ne parvenais à en lire
que les gros titres. Il fallut donc me faire à l’idée que je ne verrais
désormais correctement que d’un œil. Bientôt, je regagnais
le collège, avec cette raison supplémentaire d’apparaître original.
Je découvris néanmoins à mes dépends que la diminution
de ma vue m’ôtait quelque assurance. J’étais désormais moins
hardi pour courir à la bataille. De plus, j’étais bon pour redoubler
ma sixième. Mais je m’en tapais moi, puisque cela augmentait
ma vision intérieure spéciale.
« Tu nous as coûté cher avec ton accident ! On est dans la
mélasse jusqu’au cou mon ami. Ton père ne gagne rien et en
plus le magasin ne marche plus comme avant, mitraillait la
Bouche. »
C’était la crise, la crise dans toute sa splendeur. Pour « en
sortir », Clara s’alloua les services d’un expert comptable, qui
venait deux fois par semaine, avec pour mission de sauver le nid
de l’Aigle. Même borgne, je voyais suffisamment clair pour
constater que « l’expert » ne venait pas seulement pour éplucher
nos factures. Il roucoulait même sacrément le bougre, il n’y
avait qu’à entendre la manière dont il adressait la parole à Cla-
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