Le Merblex

Il avait environ dix ans comme moi, et s’était converti au Merblexisme
très peu de temps après mon arrivée à Richelle. Il avait
juré, craché de m’être fidèle et d’observer certains principes
dont le plus important consistait à nous venir en aide mutuellement
à chaque fois que l’un de nous aurait un problème. Ma
confiance en ce rouquin était totale. Au reste, nous avions déjà
monté quelques coups ensemble, comme aller chiper des portions
de tartes à l’économat ou récupérer les magazines érotiques
qui nous avaient été confisqués par les cornettes. Je me
rendais bien compte que si je me confiais, je ne serais pas vraiment
pris pour un dieu du devenir. Un peu à contre cœur,
j’avais donc résolu de me taire. Mais, il était pugnace Rinquin, il
me harcelait des journées entières pour que je lui lâche le fromage.
Lorsque je lui eus révélé mon affaire, il ne put s’empêcher
de se moquer et faillit à son serment. Désormais, quand nous allions
à la chapelle, il se plaçait en sorte que je puisse l’observer
et l’entendre réciter ce poème wallon :
BOND’JOU DISSE-TI, (-Bonjour dit-il.)
BONDJOU DISSE-T-ELLE, (-Bonjour dit-elle.)
OUISSE VASSE DISSE-TI ? (-Où vas-tu dit-il ?)
D’JI N’SAIS NIN DISSE-T-ELLE. (-Je ne sais pas dit-elle.)
D’JI T’VÀ BATTRE DISSE-TI, (-Je vais te battre dit-il.)
TI N’MOUESEREUX NIN DISSE-T-ELLE. (-T’oserais pas.)
TIN DISSE-TI ! (-Tiens ! Dit-il.)
WOUIE DISSE-T-ELLE ! (-Wouïe ! Dit-elle.)
NÉ VOUSSE QUOR DISSE-TI ? (-T' en veux encore dit-il ?)
CAPOUTE DISSE-T-ELLE. (-Je suis cassée dit-elle.)
HÀ HÀ DISSE-TI ! (-Ha, ha ! Dit-il.)
Mes serpentins firent le tour de l’internat, tout s’emmêla à
un point qu’il fallut aller m’expliquer auprès de la révérende
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