Le Merblex

À force de m’être si souvent raconté que Maât existait,
qu’elle me protégeait, peut-être l’avais-je créée ? Une hallucination,
j’avais eu une hallucination, c’était ça ! Peut-être n’était-ce
qu’une projection de mes manques affectifs ? Une compensation
? Et voilà que j’assistais impuissant à la transformation
d’un petit miracle en doute. J’avais besoin de voir, de toucher,
de sentir, pour croire que cela m’était réellement arrivé et cela
me faisait honte. Pourtant je n’avais pas rêvé ! Je me saisis d’un
feuillet et j’écrivis les phrases que j’avais entendues. Ma main
les traça sans hésiter. Elles coulaient comme par enchantement
au ventre du papier.
Ces phrases n’étaient pas de moi… Je ne les avais pas inventées
! Elles constituaient une trace. Une preuve ! D’ailleurs,
comment un Merblex aurait-il pu traduire en écriture humaine
des pensées aussi profondes ? C’était merveilleux, merveilleux !
Mais, mollo, pas question d’informer les autres de mon extraordinaire
expérience. De quel surnom ne m’auraient-ils pas affublé
alors ? J’étais riche d’une joie sans pareille, mais impossible
à partager.
Finalement, je me sentais réconforté d’apprendre que je
n’étais pas seul à courir les épreuves de cette vie, pressentant en
même temps qu’il ne fallait pas m’appuyer là-dessus pour avoir
la vie belle.
Plusieurs fois, j’essayais de rétablir la communication avec
Maât, sans succès. Je me rendis bientôt à l’évidence que les
déesses n’étaient pas pendues à un clou pour faire la causette
chaque fois qu’on en a envie.
Je vivais de plus en plus mon corps comme un scaphandre
de chair, gêné par les limites qu’il m’imposait. Je portais mon
corps ! Cela avait commencé lors de ma période « l’œil
d’Horus », après mon accident. La sensation d’être « celui qui se
tient derrière ses yeux » était maintenant beaucoup plus forte…
Faire la distinction entre l’habitation et l’habitant m’était désormais
facile. C’est au reste véritablement à ce moment là que
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