Le Merblex

Colonne des offres d’emplois, Clara ressortait son lyrisme
du duat, tandis qu’une nouvelle fois, je me cognais aux portes de
l’Amenti.
« Tu crois peut-être que c’est toi qui mets le pain sur la
table ? Quand je pense à tous les sacrifices que j’ai faits pour
toi ! Tu devrais baiser la terre où j’ai marché. »
Elle dépeignait si bien l’indigence dans laquelle je plongeais
la tribu, que cela m’inspirait des sentiments protectionnistes.
Je comprenais maintenant comment elle avait apprivoisé
Léopold. Elle semblait manquer de tant d’assistance et être en
butte à tant d’adversité qu’il me prenait l’envie de la serrer
contre moi en disant : « Ne t’en fais pas, je suis là petite
mère »… Mais je pressentais encore, qu’en exposant son cœur
aux vibrations aiguës de mon âme, la sienne se serait désintégrée.
L’hôtel Saint-Jean m’ouvrit ses portes. Le patron, luimême
ancien révolté, n’eut aucun mal à me comprendre et à
m’accepter. Le bar de son hôtel était le repaire de la « nouvelle
vague », mobylettes, blousons de cuir, flirts et compagnie.
J’étais plus fréquemment accoudé au juke-box avec « tous les
garçons et les filles de mon âge », en train de siroter des limonades,
qu’au restaurant où il ne venait guère de monde. Clara
trouva cette affaire louche et me fit rendre mon tablier pour me
conduire de l’autre coté de la rue, à « l’hôtel de l’Europe » où
elle avait déjà négocié mon embauche. Mon patron était un vertébré
cassant et si maigre qu’il me faisait penser à un officier de
la gestapo encivilé. Il fabriquait lui-même ses cigarettes avec
une extrême minutie, au moyen d’une boite mécanique, sans
jamais perdre le moindre brin de tabac. Le soir, une horde de
jouisseurs envahissaient la taverne pour regarder le film à la télé,
qui trônait comme le saint tabernacle, au milieu de la salle.
C’était donc ça la société ? cette masse d’Occidentaux loisissant
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